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GALLICANISME

Le gallicanisme n'est qu'un cas particulier d'un antiromanisme qui s'est souvent manifesté dans l'histoire chrétienne. Poussée à la limite, l'hostilité à Rome conduisit à la sécession protestante. Mais, cette révolte mise à part, la défiance à l'égard de la papauté, plus ou moins vive selon les temps et les lieux, ne cessa guère de se faire jour d'une façon ou de l'autre au cours des siècles, soit dans la chrétienté d'avant la Réforme, soit dans les pays restés catholiques après la rupture du xvie siècle. S'agissant de la France, le gallicanisme fut un effort pour limiter l'ingérence du Saint-Siège dans la vie religieuse du pays en s'appuyant sur des droits anciennement acquis. Selon la qualité et les buts de ceux qui s'efforcèrent de le faire triompher, il fut tantôt ecclésiastique (surtout avant le concordat de 1516), tantôt régalien (au xvie et au xviie siècle, puis à nouveau après le concordat de 1801), ou encore parlementaire (au xviiie siècle). Mais cette classification ne laisse pas d'être sommaire, car ces trois gallicanismes conjuguèrent parfois leurs efforts. Ils reflétèrent d'autre part une certaine mentalité nationale et comportèrent, en dessous des doctrines, une part non négligeable d'irrationnel.

Les gallicanismes à la fin du Moyen Âge

Au début du xive siècle, la conjonction de plusieurs facteurs – affermissement de la royauté française, renaissance du droit romain dans les milieux de légistes entourant le souverain, rayonnement européen de la faculté de théologie de Paris – provoqua une première flambée de gallicanisme et un grave conflit entre Philippe le Bel et Rome. Le soufflet d' Anagni (1303) symbolisa la défaite des ambitions théocratiques de Boniface VIII, puisque le successeur de celui-ci, Benoît XI, consentit à absoudre le roi de France, sous l'influence de qui la papauté tomba bientôt en s'installant en Avignon. Mais la guerre de Cent Ans et le Grand Schisme (1378-1417) provoquèrent l'affaiblissement conjoint de la France et de l'institution pontificale. Le conciliarisme, qui parut alors sur le point de l'emporter dans l'Église d'Occident à Constance (1414) et à Bâle (1431), eut pour conséquence, dans le royaume des Valois, l'essor du gallicanisme ecclésiastique. Déjà, en 1407, des ordonnances royales avaient proclamé les « libertés » de l'Église gallicane. En 1438, la pragmatique sanction de Bourges constitua l'acceptation par le roi et le clergé de France des décisions du concile de Bâle : les assemblées œcuméniques étaient placées au-dessus du pape, l'élection des évêques et des abbés par les chapitres et couvents était rétablie. S'y ajoutaient la suppression des grâces expectatives, la limitation des annates, des appels à Rome et du nombre des excommunications. Au vrai la pragmatique sanction fut, à certains égards, un marché de dupes pour l'Église de France : car une indépendance plus grande par rapport à Rome eut pour contrepartie l'ingérence croissante du souverain et des grands feudataires dans les élections d'évêques et d'abbés. D'autre part, la papauté refusant de reconnaître les décisions de Bourges, la royauté chercha à négocier un concordat avec Rome.

C'est pour se défendre à la fois contre le centralisme romain et le gallicanisme régalien que le clergé de France, en 1450, voulut fonder ses libertés en s'appuyant sur une fausse pragmatique attribuée à Saint Louis (1269). Sous Louis XI et Charles VIII, il parvint encore à empêcher la conclusion d'un concordat avec Rome, et pareillement sous Louis XII à qui l'appui de l'Église de France fut nécessaire pour lutter contre Jules II : l'assemblée du clergé réunie à Tours en 1510 renouvela l'affirmation des libertés gallicanes. Mais le concordat de 1516[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut

Classification

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