GALLICANISME
Gallicanisme et ultramontanisme aux XVIe et XVIIe siècles
Au xvie et au xviie siècle, le gallicanisme parlementaire, tout comme le gallicanisme ecclésiastique, appuya souvent la politique religieuse de la royauté, notamment au moment de l'affaire de la régale. Toutefois, il garda sa coloration propre et, à plusieurs reprises, s'opposa à la volonté du souverain. Les magistrats ne cessèrent de rêver au fond d'eux-mêmes d'une Église nationale fondée sur la doctrine conciliariste et où la juridiction laïque se substituerait à l'autorité du pouvoir spirituel. Ils espérèrent toujours prendre leur revanche sur le concordat de 1516 et parvenir à faire retirer au pape le droit de donner l'institution canonique aux évêques et aux abbés. L'originalité du nationalisme religieux des parlementaires se manifesta en particulier entre 1563 et 1615. Durant cette période, en effet, ils multiplièrent les réquisitoires contre le concile de Trente. Le clergé désirait que les décrets du concile devinssent lois fondamentales du royaume. Pour obtenir son absolution de Rome, Henri IV avait promis, en mai 1595, de publier les décisions du concile. Mais ni lui ni le pieux Louis XIII ne réalisèrent cette promesse, l'opposition tenace des légistes ayant été épaulée par celle du tiers aux états généraux de 1614.
Distincts par leurs motivations profondes et certaines de leurs prises de position, les trois gallicanismes, dans la seconde moitié du xvie et au xviie siècle, conjuguèrent néanmoins souvent leurs efforts. Compte tenu de l'autorité accrue du monarque en France, ils parurent même se fondre en une attitude commune de résistance à l' ultramontanisme. Celui-ci se développa dans le monde catholique à la suite du concile de Trente et de la consolidation du pouvoir pontifical qui en résulta. Les ordres religieux, en particulier celui des jésuites, se firent les champions d'une doctrine qui entendait rénover la catholicité en la soudant plus étroitement qu'autrefois au centre d'où partaient maintenant les consignes de rajeunissement spirituel. Au sortir des guerres de Religion, l'Église de France sentit le besoin de se rapprocher de la papauté. Jamais, durant l'Ancien Régime, elle ne fut « si romaine » que sous Henri IV et au début du règne de Louis XIII. C'est pourquoi, en dépit du roi, le 7 juillet 1615, trois cardinaux, quarante-sept archevêques et évêques et trente ecclésiastiques du second ordre, « représentant le clergé général de France assemblez... à Paris », déclarèrent « recevoir » légalement le concile de Trente et ordonnèrent aux conciles provinciaux de faire de même. L'Église gallicane ne proclamait son autonomie par rapport au roi que pour mieux obéir au pape.
L'autorité grandissante de Rome, l'attitude de Sixte Quint qui, en 1585, déposséda « Henri, jadis roi de Navarre » et le déclara incapable d'accéder au trône de France, celle de Clément VIII qui ne reconnut pas l'absolution donnée par les évêques français à Saint-Denis au roi hérétique et relaps, mais exigea de la lui accorder lui-même, la revendication enfin de l'Église de France de voir les décrets de Trente devenir lois fondamentales du royaume : autant de faits qui suscitèrent l'aigreur des milieux gallicans et expliquent la guerre de plumes qui opposa presque constamment après 1563 les ultramontains à leurs adversaires. Des légistes – Guy Coquille, Pierre Pithou, etc. – se firent les théoriciens du nationalisme religieux. Dans ses Libertés de l'Église gallicane (1594) – ouvrage dédié à Henri IV –, l'ancien calviniste Pithou énuméra les 83 libertés de cette Église, lesquelles découlaient de deux grands principes : 1. « les papes ne peuvent rien commander... en ce qui concerne les choses temporelles ès pays... du Roy Très Chrétien », pas même[...]
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Écrit par
- Jean DELUMEAU : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
Classification
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