GALLICANISME
La postérité gallicane
Pour lutter contre le jansénisme, Louis XIV, dans la dernière partie de son règne, dut s'appuyer de plus en plus sur Rome et abandonner au moins partiellement son orgueil gallican. C'est lui qui sollicita de la papauté les bulles Vineam Domini (1705) et Unigenitus (1713). Cette dernière provoqua dans le clergé français une durable opposition – celle des « appelants » – que soutinrent les parlements. Celui de Paris, en février 1714, n'enregistra la constitution pontificale que sur l'ordre du roi. Sauf à l'époque de la Régence, la royauté française, entre 1715 et 1789, ne manifesta plus un gallicanisme agressif et entretint d'assez bons rapports avec Rome. Mais sa faiblesse croissante encouragea l'opposition parlementaire, qui ne manqua pas de s'exprimer à propos des affaires religieuses : il y eut conflit, en plusieurs circonstances, entre le gallicanisme modéré du souverain et de la majorité des évêques et celui des milieux parlementaires, teinté de richérisme et de jansénisme. En 1731, le Parlement de Paris vota une déclaration de Quatre Articles – cassée ensuite par le Conseil du Roi – qui allait jusqu'à prévoir l'annulation des actes de l'autorité épiscopale. En 1753, par de « grandes remontrances », il intervint contre les évêques qui voulaient priver certains appelants des derniers sacrements. Après un exil, il obtint en grande partie gain de cause. Sa plus grande victoire fut toutefois, en août 1762, la dissolution de la Compagnie de Jésus en France à la suite de la condamnation du père Lavalette, procureur général de l'ordre à la Martinique. Louis XV, après des hésitations, finit par approuver, en décembre 1764, la sentence de dissolution. Enfin, quand il s'agit de réformer, voire de supprimer certains monastères, le gouvernement négocia avec le Parlement de Paris la création, en 1766, d'une commission, non pas pontificale, mais royale, chargée de se faire remettre tous les statuts et règlements des divers instituts réguliers.
C'est dans les milieux parlementaires que le gallicanisme, au xviiie siècle, resta le plus virulent, et ce sont des juristes qui le firent triompher en juillet 1790, lorsque l'Assemblée nationale vota la Constitution civile du clergé. Celle-ci transformait les ecclésiastiques en fonctionnaires et faisait donner l'investiture spirituelle des évêques, non plus par le pape, mais par le métropolitain. On peut voir une sorte de séquelle du richérisme dans le système qui confiait aux corps électoraux des départements et des districts la nomination aux sièges épiscopaux et aux paroisses. Après la tourmente révolutionnaire, Bonaparte crut pouvoir revenir au gallicanisme traditionnel. Le concordat de 1801 et les Articles organiques de 1802 étaient destinés, dans la pensée du Premier consul, à mettre le clergé dans la main de l'État. Le gouvernement nommait les évêques qui choisissaient les curés ; le serment de fidélité était imposé aux ecclésiastiques (concordat). Les décrets du pape et des synodes étrangers étaient soumis au placet de l'État, les Quatre Articles de 1682 enseignés dans les séminaires, la tenue de synodes et le séjour de légats pontificaux interdits sans l'autorisation du gouvernement (Articles organiques). Mais Bonaparte, sans en avoir sans doute bien conscience, accorda à Pie VII un immense avantage en lui demandant d'imposer à tous les évêques leur démission, afin d'en nommer de nouveaux à la tête des soixante évêchés et des dix archevêchés qui allaient désormais constituer les délimitations religieuses de la France. L'ultramontanisme marqua à cette occasion un point décisif.
Fait révélateur d'une durable hostilité à l'ultramontanisme dans la France du début du xixe siècle : en 1817, le pape refusa d'approuver un nouveau[...]
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Écrit par
- Jean DELUMEAU : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
Classification
Autres références
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