NASSER GAMAL ABDEL (1918-1970)
Unité arabe et option socialiste
La deuxième étape (1956-1961) est celle de la conjonction entre l'intensification de l'action étatique en matières économique et culturelle, à l'intérieur, et la politique d'unité organique entre les États arabes, notamment par la constitution de l'Égypte et de la Syrie en République arabe unie (févr. 1958-sept. 1961), rejointe à différents moments et sous d'autres modalités par d'autres pays arabes, à l'extérieur. L'alliance avec les États socialistes européens n'empêche pas la lutte contre le communisme égyptien. L'essentiel réside, pour Nasser, dans le démantèlement du pacte de Bagdad, mis en cause par la révolution irakienne du général Kassem (juill. 1958) et dans l'affermissement de l'État en Égypte.
Pendant la troisième étape (1961-1967) auront lieu les grandes nationalisations (notamment en 1961 et 1963). Après un nouvel affrontement, victorieux, avec la droite de son régime, à la suite duquel Nasser s'oriente vers les masses populaires d'ouvriers et de paysans, l'option du « socialisme scientifique » est définie comme constituant la base même de la Charte d'action nationale (mai 1962). Deux plans quinquennaux de développement sont mis en chantier dès 1960. L'industrie égyptienne apparaît comme la plus importante en Afrique (république d'Afrique du Sud mise à part), comme au Moyen-Orient. L'Égypte, qui a puissamment soutenu la révolution algérienne et tenu à bout de bras, au prix de grands sacrifices, la jeune république du Yémen (comme elle le fera, après 1967, avec l'organisation de résistance palestinienne al-Fatah), devient le centre d'une aire politique qui détient les clés des principales réserves pétrolières mondiales.
La quatrième étape s'ouvre avec la guerre de juin 1967, la défaite militaire, l'occupation d'un cinquième du territoire national, la paralysie de Suez. En pleine défaite, le peuple égyptien plébiscite par son action le président démissionnaire (9-10 juin 1967). Nasser œuvre d'arrache-pied pour rétablir la situation, reconstituer les forces armées, développer le front intérieur, approfondir ses alliances, notamment avec l' URSS et la France, redonner un cours égyptien au projet politique national tout entier. Le 23 juillet 1969, il annonce le début de la guerre d'usure contre Israël, en même temps qu'un programme radical de type coopératif pour les nouvelles terres. Grâce à son acharnement, au dévouement des ouvriers et des techniciens, et grâce à l'aide soviétique massive, le haut barrage, véritable pyramide de l'ère de la révolution scientifique et technique, est achevé (10 milliards de kilowatts-heures par an) ; toutes les régions sont équipées en électricité ; une nouvelle base sidérurgique est installée à Assouan ; la superficie des terres arables a été augmentée de 30 p. 100 %, et, surtout, 7 200 spécialistes, de l'ouvrier spécialisé au docteur polytechnicien, formés en Union soviétique, contribuent au développement du pays.
Les mois de mai à juillet 1970 sont marqués par de lourdes pertes sur le front du Canal. Le 23 juillet, Nasser accepte le cessez-le-feu et le plan Rogers prévoyant l'évacuation des territoires occupés par Israël. En septembre, le roi Hussein de Jordanie lance ses Bédouins à l'assaut des organisations de la résistance palestinienne. Nasser se dépense, à la onzième heure, pour sauver les Palestiniens : le 27 septembre 1970, l'accord du cessez-le-feu jordano-palestinien est signé au Caire. Le 28, Gamal Abdel Nasser, déchiré par l'effort, l'émotion, succombe à une nouvelle crise cardiaque en sa modeste demeure d'Héliopolis, celle même qu'il occupait du temps où il était jeune capitaine. Six mois plus tôt, au New York[...]
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Écrit par
- Anouar ABDEL-MALEK : maître de recherche au C.N.R.S., chargé d'enseignement à l'université de Paris-VII
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