GAME OF THRONES, série télévisée
D’une adaptation à une « création »
Quelques figures marquantes finiront bien par sortir du lot : Jon Snow, Daenerys Targaryen, Cersei Lannister et Arya Stark notamment. Mais Game of Thrones possède une réserve de personnages si vaste qu’il lui est possible d’en éliminer certains à des moments inattendus. À titre d’exemple, même les lecteurs les plus assidus de G. R. R. Martin pouvaient douter du sort qui serait réservé à la fin de la première saison à Eddard Stark, présenté par la série comme l’une de ses figures de premier plan. Sans le roi Arthur pour les diriger, les chevaliers de la Table ronde auraient-ils poursuivi leur quête du Graal ? Si l’on en croit la cruauté et la sècheresse avec laquelle les auteurs de Game of Thrones n’hésitent pas à faire disparaître certaines figures de premier plan d’un récit qui les dépasse, tout porte à croire que oui.
L’effet produit par ce procédé inhabituel sera encore plus fort quand la série dépassera les romans de Martin, jusqu’à apporter, cas unique dans l’histoire de la télévision américaine, sa propre conclusion à un matériau littéraire ayant abondamment nourri ses cinq premières saisons. Si elles prolongent les arcs narratifs déjà entamés tout en reprenant d’autres éléments couchés sur le papier par Martin, les saisons 6, 7 et 8 de la série ont la particularité d’anticiper la suite du récit, tant en suivant des pistes fournies par l’écrivain en vue du sixième volume de son cycle de romans, The Winds of Winter, qu’en explorant des voies inédites.
Cela explique en partie le tollé provoqué par la conclusion de l’adaptation de Benioff et Weiss. Bon nombre de lecteurs de Martin leur ont reproché de s’être éloignés de l’esprit initial de la saga, et moult spectateurs d’avoir basculé dans la violence « gratuite » ou de délaisser le réalisme teinté de magie de la série au profit d’effets spéciaux destinés à mettre en œuvre le spectacle des dragons et des Marcheurs blancs en action. De manière générale, il est certes difficile de satisfaire tout le monde quand on clôt une œuvre d’une telle ampleur. Notons en outre que l’essor des réseaux sociaux et la constitution de communautés de fans en ligne rendent plus audibles les plaintes et les récriminations des spectateurs. Mais, comme pour Lost (autre série chorale au dénouement très contesté), le temps ne manquera pas d’infléchir les mécontentements et de rappeler que, du périple de Game of Thrones, la télévision américaine est assurément sortie grandie.
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Écrit par
- Benjamin CAMPION : docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, enseignant contractuel à l'université Paul-Valéry-Montpellier III
Classification
Média
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