GANGRÈNES
D'une façon générale, la gangrène est un processus pathologique caractérisé par la mortification des tissus privés de vitalité, de circulation sanguine et de sensibilité, à la suite de maladies vasculaires (gangrène sèche), ou d'une infection (gangrène humide) qui domine la mortification avec laquelle elle s'intrique, qu'elle lui soit secondaire ou qu'elle en soit la cause. On appelle escarre la partie gangrenée, sphacèle les gangrènes étendues. Le terme nécrose (bien qu'il soit souvent utilisé comme synonyme de gangrène) a un sens plus restreint, limité à la mortification des seuls tissus osseux ou cartilagineux.
Étiologie
Gangrènes sèches
Les gangrènes sèches sont habituellement dues à une lésion artérielle ou artériolaire supprimant l'irrigation sanguine du territoire dans lequel la mortification des tissus est la conséquence immédiate de l' ischémie. La topographie et la gravité de cette affection sont fonction du niveau de l'oblitération artérielle : la lésion d'une artériole terminale provoque une gangrène parcellaire ; l'atteinte d'un tronc artériel risque d'entraîner une gangrène massive, à moins que les vaisseaux collatéraux n'assurent une dérivation suffisante du flux sanguin. Ces gangrènes ischémiques relèvent d'origines diverses : athérosclérose oblitérante, sénile ou diabétique, thrombo-angéite oblitérante (maladie de Buerger), embolie, traumatismes artériels, causes artériolaires (maladies de Raynaud, intoxications par l'ergot de seigle, le plomb, l'arsenic...).
Gangrènes humides
Les gangrènes humides sont déterminées essentiellement par des microbes anaérobies dont les propriétés particulières conditionnent l'aspect clinique et l'extrême gravité des lésions. Ces germes, incapables d'utiliser l'oxygène libre, captent l'oxygène combiné de la matière organique en la dégradant au moyen d'enzymes, en particulier au moyen de déshydrogénases très puissantes. Ce sont généralement des anaérobies telluriques, exogènes, introduits accidentellement dans l'organisme lors d'un traumatisme (plaie délabrante souillée de terre) ; il peut s'agir aussi de micro-organismes non telluriques, d'origine endogène, provoquant des infections putrides localisées surtout au niveau des organes profonds (gangrènes viscérales). Il est fréquent de constater que ces gangrènes ne sont pas dues, chez un même malade, à une espèce microbienne unique, mais, au contraire, à une association de plusieurs anaérobies ou d'aérobies et d'anaérobies. Certaines de ces espèces, qui peuvent n'avoir, isolément, qu'un pouvoir pathogène limité, revêtiront une extrême virulence, du fait de leur association.
La dégradation des tissus vivants par les anaérobies est foudroyante : c'est une lyse tissulaire plus ou moins totale, rapidement extensive, avec production de la toxine particulière à chaque germe et de produits de dégradation également toxiques, jadis appelés ptomaïnes, provenant pour la plupart de la décarboxylation des acides aminés. Il s'agit principalement de corps voisins de l'histamine, des phénylalcoylamines, de la putrescine, etc., et dont la toxicité explique l'atteinte profonde de l'état général des malades et la fétidité des lésions. Quelques-uns sont gazeux (hydrogène, anhydride carbonique, hydrogène sulfuré, amines volatiles...), d'où le terme de gangrène gazeuse pour désigner les gangrènes causées par certains microbes anaérobies : les tissus sont envahis par les gaz, donnant à la palpation une sensation très particulière de tension avec emphysème dite crépitation neigeuse. Ainsi, la gangrène par anaérobies associe deux processus. D'une part, une mortification rapide et extensive des tissus aboutit à leur liquéfaction, sans présence[...]
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Écrit par
- Henri-Hubert MOLLARET : professeur émérite à la faculté de médecine de Paris, chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
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