GANGRÈNES
Aspects cliniques des gangrènes infectieuses
Gangrènes gazeuses
Individualisées dès les guerres de l'Empire par D. J. Larrey, les gangrènes gazeuses ne sont bactériologiquement bien connues que depuis les découvertes de Pasteur, W. H. Welsch, R. Veillon, C. Zuber, M. Sacquépée, M. Weinberg... Elles s'observent essentiellement en période de guerre, car les traumatismes par éclats d'obus, grenades, mines, etc., provoquent des délabrements musculaires étendus avec pénétration de corps étrangers, de terre, de fragments de vêtements, qui réalisent les conditions tissulaires propices à l'infection et au développement des germes anaérobies dont les spores sont présentes dans le milieu extérieur. Dans la vie civile, les accidents de la route ou du travail (broyage par une machine, accident dans les mines...) peuvent réaliser les mêmes conditions d'attrition tissulaire, de souillure, d'ischémie régionale par lésions vasculaires associées.
Cliniquement, ces gangrènes se caractérisent par des signes généraux, apparus en quelques heures et traduisant non pas tant l'infection que la toxémie (visage blafard, prostration, polypnée, température élevée, tachycardie irrégulière, pouls effondré) et par des signes locaux particuliers : dix-huit à trente-six heures après, la douleur locale revêt l'aspect d'une sensation de constriction ; autour de la plaie se forme un œdème ferme, chaud et douloureux qui la déborde et tend à s'étendre très vite. Rapidement, les signes de la gangrène se développent : l'œdème envahit tout le membre ; la peau est livide ou marbrée de traces grisâtres ; des vésicules plus ou moins hémorragiques apparaissent à distance de la plaie. L'infiltration gazeuse entraîne une déformation souvent monstrueuse. La plaie, gonflée et sanieuse, dégage une odeur repoussante.
Selon le germe en cause, les aspects peuvent différer : Welchia perfringens, le plus ubiquiste des anaérobies et le plus fréquemment rencontré dans ces gangrènes, est l'agent du phlegmon gazeux dû à l'infiltration des tissus sous-cutanés et musculaires par les gaz provenant du métabolisme microbien. Avec Clostridium septicum, le caractère gazogène est moins marqué, mais la tendance hémorragique est plus grande. Cl. novyi et Cl. oedematiens entraînent un œdème très extensif, incolore ou rosé, et d'aspect gélatineux. Cl. sporogenes cause une gangrène gazeuse particulièrement putride. Cl. histolyticum liquéfie littéralement la totalité des tissus en ne respectant que les os (muscles, aponévroses, vaisseaux sont réduits à l'état de bouillie rougeâtre).
Gangrènes viscérales
Localisées à des organes profonds, elles sont dues à des anaérobies appartenant à la « flore de Veillon » (streptocoques et staphylocoques anaérobies : Ristella, Veillonella, Spherophorus, Fusiformis...), vivant en saprophytes normaux dans la cavité buccale, le tube digestif, l'appareil génital de la femme et les voies urinaires de l'homme. Dans certaines conditions locales ou générales (traumatisme localisé, intoxication ou surinfection, baisse de la résistance de l'organisme), ces germes initialement commensaux manifestent soudain leur potentiel pathogène.
Cliniquement, des signes généraux traduisant la gravité de l'intoxication s'associent à des signes locaux fonction du siège des lésions. Celles-ci peuvent être abdominales (appendicite putride ; cholécystite gangreneuse ; abcès sous-phrénique ; entérite nécrosante ; péritonite par perforation gastrique, duodénale ou appendiculaire...), respiratoires (gangrène pulmonaire, pyopneumothorax), génito-urinaires (endométrite putride, salpingite, pelvi-péritonite, phlegmon diffus du périnée...), buccales ou oto-rhino-laryngologiques (phlegmon dentaire ou péri-amygdalien, stomatites ou parotidites gangreneuses, otite ou mastoïdite, etc.).[...]
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Écrit par
- Henri-Hubert MOLLARET : professeur émérite à la faculté de médecine de Paris, chef de service à l'Institut Pasteur
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