GARES, architecture
Styles et typologie
L'étude de l'architecture ferroviaire a été marquée par l'épineuse question de la notion de « style ». D'une part, les styles architecturaux historiques ont énormément préoccupé les architectes du xixe siècle, et cette préoccupation se retrouve dans l'éclectisme ou dans l'historicisme des gares de cette période. D'autre part, on a pu, plus récemment, tenter de définir un style pour toute l'architecture du xixe siècle à partir des gares en tant que type de bâtiment : « l'éclectisme pittoresque » inventé par C. L. V. Meeks, dont les concepts ont influencé à des degrés différents bon nombre des discussions ultérieures.
Avant la Seconde Guerre mondiale, la variété des solutions architecturales et formelles trouvées pour exprimer la nature et la fonction des gares est étonnante : elle va de l'exotisme et de l'extravagance des gares balnéaires aux grands blocs de bureaux conçus pour certaines gares qui sont aussi le siège des compagnies ferroviaires. Toute la panoplie des styles historiques, éclectiques ou originaux de l'architecture de cette période y est représentée, du néo-classicisme des célèbres propylées de la gare d'Euston (Londres, 1837) au néo-gothique de l'hôtel de la gare de Saint Pancras (Londres, 1868-1874) ; des gares « beaux-arts » de Paris, New York et Buenos Aires au style monumental et scandinave, précurseur de l'art déco, de la gare d'Helsinki (1913-1914).
Le rapport des architectes du xixe siècle à la question des styles n'était toutefois pas simple. Tantôt le choix du style de la gare est considéré comme une question primordiale, tantôt il n'est vu que comme une sorte d'habillage, sans rapport aucun avec la construction. Ainsi, à la gare de Saint Pancras à Londres, le choix du néo-gothique a presque valeur de manifeste stylistique pour l'architecte sir George Gilbert Scott, s'opposant au classicisme qu'il fut obligé d'employer pour ses Law Courts, ainsi qu'au fonctionnalisme épuré de la gare voisine de King's Cross, conçue par Lewis Cubitt en 1851-1852. La gare du Nord II de Paris de J. I. Hittorff, 1861-1865, témoigne en revanche d'une attitude bien plus libre. Dans l'évolution du projet, plusieurs styles très différents furent envisagés pour une façade dont on avait pourtant déjà arrêté la disposition d'ensemble.
Le choix du style était aussi lié aux formes considérées comme appropriées aux gares. Les architectes tâtonnèrent pour trouver parmi les motifs existants une forme susceptible d'exprimer la fonction inédite de ces ensembles. Le motif de l'arc de triomphe, par exemple, qui depuis l'Antiquité sert à marquer les portes des villes, fut très populaire tout au long du xixe siècle. On le retrouve de façon plus ou moins marquée dans d'innombrables façades, et notamment, à Budapest, dans celle de la gare de l'Est de Julius Rochlitz (1881). Vers la fin du siècle, la tour d'horloge eut également un grand succès, comme à la gare de Lyon à Paris, cette évocation à la fois de la puissance, de la rapidité et de la ponctualité des chemins de fer étant considérée comme le symbole même de la gare... d'autant plus que la normalisation même du temps, le Greenwich Mean Time permettant d'appliquer la même heure à toutes les villes et à toutes les régions d'une même zone horaire, fut instaurée précisément pour répondre aux besoins opérationnels des chemins de fer.
Certaines formes caractéristiques dérivaient d'éléments fonctionnels. Selon Richards et MacKenzie, les tours de guet nécessaires dans les premières gares, quand la communication télégraphique n'était pas encore totalement au point, sont aussi à l'origine des tours d'horloge (ainsi que des coupoles, lanternes et autres flèches).[...]
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Écrit par
- Karen BOWIE : maître de conférences en histoire et cultures architecturales, École nationale supérieure d'architecture de Versailles, Institut parisien de recherche.: architecture, urbanisme, société
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