PEACOCK GARY (1935-2020)
Héritier de Scott LaFaro, le contrebassiste Gary Peacock a traversé toutes les humeurs du jazz moderne, avec la même souple élégance. Avec aussi cette pointe de détachement qui lui fera, à plusieurs reprises, délaisser la musique pour la pratique de la philosophie zen, de la macrobiotique, de la biologie ou de la méditation. Renonçant à enfermer son instrument dans la stricte formulation du tempo, il va lui donner un rôle décisif dans l’expression mélodique. Cet improvisateur inspiré apporte sa créativité et sa délicatesse au sein même des tumultes du free jazz. Derrière la sobriété de son style se dissimulent une grande liberté rythmique, une fougue maîtrisée et un sens harmonique rare.
Gary Peacock naît le 12 mai 1935 à Burley, dans l’État américain de l’Idaho. Dès l’école, il apprend le piano et la batterie, s’intéresse au rock and roll puis au swing et au be-bop. Il se produit dans des orchestres locaux et étudie quelques mois au Wesley College of Music de Los Angeles, avec l’ambition de devenir musicien professionnel. Pendant son service militaire en république fédérale d’Allemagne (RFA), il se fait entendre au sein de plusieurs petites formations, jouant du piano et du bugle avant de s’essayer à la contrebasse, instrument qui désormais sera le sien. Démobilisé, il reste quelque temps en RFA et accompagne Hans Koller, Attila Zoller, Albert Mangelsdorff, Tony Scott, Bud Shank ainsi que le chanteur Gary Crosby. De retour aux États-Unis en 1958, Gary Peacock se rend en Californie où le jazz West Coast fait rage. Il y fréquente notamment Paul Horn, Terry Gibbs, Shorty Rogers, Don Ellis, Art Pepper, mais aussi le sitariste indien Ravi Shankar.
En 1960, Gary Peacock épouse la chanteuse et pianiste Annette Coleman dont les compositions, comme celles de Carla Bley, auront une profonde influence sur la musique de cette génération. À New York en 1962, il se lance dans l’aventure du free jazz et intègre le trio de Paul Bley, ce qui ne l’empêche nullement de participer à diverses formations animées par Jimmy Giuffre, Roland Kirk, Sonny Rollins, George Russell, Bill Evans, Roswell Rudd, Steve Lacy et Archie Shepp. Sans aucun égard pour les frontières esthétiques, il côtoie Albert Ayler (avec qui il fait une tournée en Europe), Sunny Murray, Don Cherry, Gil Evans, Miles Davis (avec qui il collaborera jusqu’en 1966), Tony Williams, John Gilmore et Jack DeJohnette. Il séjourne au Japon et enregistre, avec quelques complices comme Hiroshi Murakami et Masabumi Kikuchi, ses premiers disques en trio sous son nom : Eastward (1970), Voices (1971). Suit, de 1972 à 1976, une période où il semble se détourner de la scène et des micros pour se consacrer à l’enseignement à Seattle. Il y revient grâce à Paul Bley qui l’appelle pour une vaste tournée au Japon et en Europe. De nouveaux partenaires le sollicitent : Bill Connors, Ralph Towner, Jerry Granelli, Jay Clayton, Julian Priester. Au cours des années 1980, Gary Peacock devient surtout, avec Jack DeJohnette, un des piliers du Standards Trio de Keith Jarrett, formation qui relit avec audace et modernité les standards de la musique américaine. On y reconnaît l'âpreté d'une sonorité, le goût pour les notes qui vibrent longuement et la discrétion d'un vibrato qui sont sa signature. En 1994, le contrebassiste se produit encore en quartette avec Tim Hagans, Vic Juris et Jan Garbarek. Gary Peacock meurt à son domicile, dans l’État de New York, le 5 septembre 2020.
Une importante discographie – près de quatre-vingt-dix albums – retrace, de 1954 à 2019, toute la richesse et la diversité de son parcours. C’est d’abord au sein de formations en trio qu’il laisse la trace la plus profonde : avec Paul Bley sur différents labels – Partners (1989), Annette (1992), In the Evenings Out There (1993), Not Two, Not One (1998) – et, sur ECM, avec Keith Jarrett : [...]
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Écrit par
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