BECKER GARY STANLEY (1930-2014)
L'homo oeconomicus omniprésent
The Economics of Discrimination, premier ouvrage publié en 1957 par Becker, est accueilli avec beaucoup de réserves de la part de ceux qui pensent que le sujet de la discrimination raciale ne peut pas concerner des économistes. La structure théorique de Becker découle de l'idée qu'une discrimination a lieu chaque fois qu'un agent économique (un employeur blanc par exemple) est disposé à payer pour ne pas conclure de contrat avec un autre agent possédant des caractéristiques différentes des siennes (un ouvrier noir par exemple). À partir de là, Becker démontre que la discrimination peut se révéler préjudiciable aux deux groupes (ici, les Blancs et les Noirs).
Quand en 1964 paraît la première édition de Human Capital d'importants travaux ont déjà été consacrés au concept de capital humain, notamment ceux de J. Mincer en 1958 et de Theodore Schultz en 1961. C'est la raison pour laquelle l'ouvrage est cette fois mieux accueilli, Becker ne faisant que renforcer les fondements micro-économiques du concept et ouvrir des possibilités d'application empiriques. Son hypothèse de départ est, là encore, simple : du point de vue de l'élève ou de l'individu, l'éducation et la formation professionnelle sont considérées comme un investissement. L'individu comparera ce que sa formation lui coûte dans l'immédiat (frais de scolarité), y compris le salaire ou les revenus auxquels il doit renoncer pendant le temps que dure son éducation, à ce qu'elle lui rapportera en terme de carrière, mesurée par le flux actualisé de ses gains futurs.
L'une des applications de cette théorie fut la distinction entre l'éducation générale, qui élève le niveau de compétence des individus dans de nombreux secteurs d'activités, et la formation professionnelle, qui augmente la productivité de l'individu surtout au bénéfice de son employeur. Becker considère alors l'éducation générale comme un bien collectif fourni par l'État ou directement payé par l'individu, alors que la formation professionnelle peut être procurée par l'entreprise puisque celle-ci pourra récupérer le fruit de l'investissement que constitue la formation. Cette théorie, bien que critiquée, a permis de mettre au point des outils de gestion des ressources humaines au niveau de l'entreprise et de la nation.
Gary Becker est aussi l'un des fondateurs de la théorie dite de production domestique. L'idée de départ est que la famille définit ses préférences comme le ferait une « petite entreprise ». Non seulement elle tient compte des prix et des revenus, mais elle accorde une grande importance à l'utilisation du temps et au taux de salaire, ce dernier étant considéré comme coût alternatif du temps consacré à la production du ménage. Par exemple, le coût du temps qu'une mère consacre à ses enfants se mesure par le sacrifice de salaire qu'elle consent. Ce coût est d'autant plus important que la femme perçoit un salaire élevé, et la croissance économique qui a tiré vers le haut les salaires féminins a donc rendu plus coûteux le temps consacré aux enfants. Ce genre de raisonnement reliant les choix économiques des individus à leurs choix personnels traverse toute l'œuvre de Becker et confirme sa conviction que la sphère économique ne peut être séparée de la sphère privée.
Dans son Traité de la famille publié en 1981, G. Becker présente une théorie économique de la famille plus ambitieuse encore. Il traite de sa formation (la décision d'avoir des enfants étant considérée comme une demande de biens durables), de sa dissolution (le divorce) ainsi que de la division du travail en son sein (la femme s'engageant à mettre des enfants au monde et à les élever en échange de protection et d'assurance).
Salué[...]
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Écrit par
- Françoise PICHON-MAMÈRE : maître de conférences, université Paris-Sorbonne
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