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JOVELLANOS GASPAR MELCHOR DE (1744-1811)

Les grands combats

De la réforme de l'enseignement à la réforme agraire

À l'origine de la prospérité sociale et de la paix, Jovellanos voit la culture. Ignorance et paresse lui semblent les racines de tous les maux. L'éducation sera donc un instrument de réforme sociale qui servira de fondement à la félicité publique. Aux instituts d'enseignement inutile, il veut substituer des centres d'éducation publique pour la recherche et l'application des connaissances utiles. Car il n'entend rien d'autre qu'offrir des débouchés ! Idée tout à fait neuve, il oppose aux humanités gréco-latines, seules en cours, des « humanités castillanes », aux langues mortes les langues vivantes. Le mépris dans lequel on tient les sciences exactes et naturelles l'indigne, et il souhaite inculquer à tous les fonctionnaires, citoyens et patriotes « la véritable science de l'État, l'économie politique ». Il pressentit l'importance d'une formation scientifique, même au niveau de la langue, puisqu'il fut un des premiers Espagnols à se préoccuper de linguistique.

Il lui fallut plusieurs années pour rédiger, à la demande de la Société économique de Madrid, l'Informe sobre la ley agraria (Rapport sur la loi agraire, 1795) dont il écrivit qu'elle était devenue « la prunelle de ses yeux ». Ce rapport célèbre, qui fut le point de départ des réformes agraires du xixe siècle (et longtemps interdit par la censure), donne la mesure de la pensée économique libérale et individualiste de l'Espagne des Lumières, de ses audaces, de ses limites. À travers l'étude des principaux obstacles au développement de l'agriculture, Jovellanos attaque, en fait, les privilèges et monopoles de la noblesse et du clergé dont les biens de main-morte occupent plus de 80 p. 100 du territoire, empêchant toute nouvelle répartition des terres. Il établit une ligne de démarcation entre la fonction historique de la noblesse et son inutilité sociale depuis que la défense de l'État n'est plus entre ses mains. Puisque le droit de transmettre n'est pas dans la nature, la richesse de cette classe stérile ne provient pas du travail, mais des privilèges. La cour de Marie-Louise lui offrit d'ailleurs un spectacle d'encanaillement qui renforça les griefs moraux développés dans ses satires. Quant au clergé : « Des villes naguère opulentes ne sont plus aujourd'hui peuplées que d'églises, de couvents et d'hospices qui survivent à la misère qu'ils ont causée. » Le raccourci est violent. Pourtant les conclusions sont faibles en comparaison des attaques. Il ne demande pas l'abolition de tout l'inaliénable (qu'il préconise dans ses lettres), seulement l'aliénation des terrains communaux. Il propose des dérogations, des corrections, jamais la destruction de l'ordre antérieur. « Que d'autres corps politiques cherchent leur gloire dans la ruine et la désolation. » Sa prudence a repris les rênes.

Pour Jovellanos, la richesse fait le bonheur, mais la seule richesse qui résulte du travail, et surtout du travail de la terre ! On reconnaît l'influence de Jean-Jacques Rousseau dans ses évocations d'une population rustique enrichie par son labeur, simple et vertueuse.

Réforme ou révolution ?

La crise de la Révolution française fit apparaître les contradictions des réformateurs. Jovellanos tint, à partir de 1790, un journal intime où l'on trouve peu d'introspection et nombre d'informations. Il y condamne les hommes de la Révolution, non pas leurs principes. Plus tard, en public comme en privé, il rejettera tout d'un bloc.

Ses amitiés dangereuses, comme Cabarrus, ses commandes de livres interdits, son nom louangé dans une note de l'édition clandestine du Contrat social, ses exils successifs contribuèrent à créer autour[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à l'U.E.R. de littérature générale et comparée de l'université Paris-III, agrégée d'espagnol

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