BERGER GASTON (1896-1960)
Industriel, philosophe et administrateur, fondateur du Centre universitaire international et des centres de prospective, directeur des Études philosophiques. Ayant dû abandonner ses études à la fin de la classe de troisième, Gaston Berger les reprend volontairement à vingt-cinq ans et passe son baccalauréat. Chef d'entreprise (fabrication d'engrais pour la floriculture), il consacre ses loisirs à la philosophie et prend ses grades universitaires (avec l'appui de René Le Senne, Maurice Blondel, Jacques Paliard). En 1941, il soutient ses thèses de doctorat : Le Cogito dans la philosophie de Husserl, Recherches sur les conditions de la connaissance. Essai d'une théorétique pure. Après la guerre, il devient professeur à l'université d'Aix-Marseille. En 1953, il est nommé directeur général de l'enseignement supérieur, fonction qu'il occupe jusqu'au début de 1960. En 1950 et 1954, il publie des études de caractérologie : Traité pratique d'analyse du caractère, Questionnaire caractérologique, Caractère et personnalité. En 1957, le tome XIX (Philosophie-Religion) de l'Encyclopédie française paraît sous sa direction. Un recueil posthume, Phénoménologie du temps et prospective, sort en 1964, par les soins d'Édouard Morot-Sir.
Comme philosophe, il a été le principal introducteur de la philosophie husserlienne en France ; il a secondé Le Senne dans l'approfondissement théorique et la mise en application pédagogique de la caractérologie de l'École hollandaise ; il a esquissé une phénoménologie de la mémoire, dans laquelle le devenir est une donnée concrète et le temps une notion construite, voire un mythe collectif, une illusion, qui permet aux hommes « de s'unir, d'espérer ensemble, de trembler ensemble, d'aimer ensemble, de travailler ensemble » (Communication à la Société française de philosophie, 3 juin 1950).
Comme directeur général de l'enseignement supérieur, il a tenté une première réforme des universités : création des assistants et maîtres-assistants des facultés ; transformation des facultés de lettres en facultés des lettres et sciences humaines ; transformation des facultés de droit en facultés de droit et des sciences économiques ; création de l'année de propédeutique (disparue en 1966) ; extension systématique de la médecine hospitalière comme forme obligatoire de l'enseignement médical. Surtout il a réfléchi aux responsabilités d'un administrateur moderne et vanté ce qu'il appelle « l'attitude prospective » (l'épithète s'est changée presque aussitôt en substantif : « la prospective »).
Pour lui, la prospective n'est pas une science de la prévision (car le calcul ne vient qu'ensuite, il traduit en chiffres les stratégies que la réflexion élabore pour l'action) ; ce n'est même pas une anticipation de l'avenir, car trop souvent on se borne à concevoir celui-ci d'après le « précédent » (qui peut ne pas se répéter à l'identique), d'après l'analogie (qui suppose naïvement que le « jamais vu » offrira des ressemblances avec le « déjà vu ») et d'après l'extrapolation (qui n'est qu'un prolongement des séries connues) ; c'est l'imagination créatrice de l'avenir souhaitable (avec la volonté de le préparer dès maintenant), imagination qui consiste à examiner le jeu des tendances actuelles pour voir leur portée probable, mais qui consiste plus encore à apprécier par avance la nouvelle qualité de demande qui résultera de leur aboutissement éventuel : car c'est cette nouvelle qualité d'exigence qui, une fois formée, fera apparaître des types de désir et de besoin, donc des types de comportement, qui bouleverseront la situation. En bref, la prospective ne cherche pas à devancer le futur dans la ligne du présent, sur le modèle du présent (à l'aide de simples correctifs) ; elle cherche à devancer les styles de conduite[...]
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Écrit par
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
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ENCYCLOPÉDIE
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