ROUX GASTON-LOUIS (1904-1988)
Le peintre Gaston-Louis Roux est né à Provins en 1904.
Élève de Maurice Denis et de Paul Sérusier à la célèbre académie Ranson de 1919 à 1922, il débuta dans la carrière sur le mode décoratif, en travaillant dans l'atelier de Raoul Dufy, puis il fut chargé par André Malraux d'illustrer une série d'œuvres littéraires, dont celles de Stendhal, de Mérimée et d'Apollinaire. Mais l'événement marquant fut sa rencontre, dès 1927, avec Daniel-Henry Kahnweiler et le contrat que celui-ci lui proposa d'emblée : une collaboration qui allait durer quelque trente ans et permettre à l'artiste de vivre au cœur même de l'actualité. Dans ce contexte, Gaston-Louis Roux se lia d'amitié avec Roger Vitrac, une amitié d'autant plus complice qu'ils s'entendirent à merveille pour rudoyer les conventions, partageant tous deux le même sentiment de pouvoir des enfants, la même impertinence mêlée d'humour et d'émotion. Tandis que Roux conçoit en 1928 l'affiche pour Victor ou les Enfants au pouvoir, Vitrac préface l'année suivante la première exposition personnelle du peintre à la galerie Simon. L'auteur salue en lui un « grand peintre du mouvement », trouvant dans son Arracheur de dents et autres figures – « automates monstrueux à l'invisible machinerie » – l'illustration parfaite de la « Lumière moderne ». En 1932, Gaston- Louis Roux fut recruté par Michel Leiris pour participer à la mission Dakar-Djibouti ; s'il conçut la couverture du numéro 2 de la revue Minotaure, consacrée à cette expédition, il réalisa surtout un travail exemplaire de copies des fresques de l'église d'Antonios, en Éthiopie, en remplacement des originaux endommagés par le temps. L'influence de l'art abyssin confortera le peintre dans une figuration plus précise et une staticité plus appuyée, et son œuvre des années 1930, quoique très proche de celle de Picasso, comme de celle de Masson, devra sa singularité à une facture très spontanée et à l'usage de coloris très vifs. Curieux de traduire la réalité qui l'émerveille et qui toujours lui échappe, toujours à la recherche d'une vérité plutôt que de sa plate transcription, Roux donnera par la suite, de façon prémonitoire, à la fois dans un expressionnisme à la Cobra et dans un art brut. Préfaçant son exposition à la galerie Leiris en 1947, Georges Bataille note à cet effet comment « la fenêtre de Roux dénude authentiquement le derrière du monde ». Sans doute est-ce pour tenter d'en percer de plus près les secrets que le peintre décide brutalement de changer de cap : il quitte en 1956 la galerie Leiris pour retourner à la pure et simple réalité du motif. Peintures de paysages, de scènes d'intérieurs, portraits : Gaston-Louis Roux entreprit en dernier lieu de cerner et de fixer l'essence même des choses. Un dessin très épuré, des compositions parfaitement équilibrées, des tons retenus et harmonieux : c'est tout un vocabulaire à rebours que le peintre privilégie au cours des vingt dernières années de son existence, comme pour mieux souligner la force paradoxale de toute création.
Bibliographie
G. C. Fabre, Gaston-Louis Roux ou l'Enfance au pouvoir. Les années Kahnweiler, éd. Galerie 1900-2000 Marcel Fleiss, Paris, 1987.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe PIGUET : historien, enseignant, critique d'art
Classification