BARBIERI GATO (1932-2016)
Le saxophoniste ténor argentin Gato Barbieri a adhéré en Europe à une forme d’expression purement nord-américaine, le free jazz. Installé aux États-Unis, il trouva l’inspiration en renouant avec les traditions latino-américaines – ce qui assura son succès.
Leandro « Gato » Barbieri naît à Rosario (Argentine) le 28 novembre 1932. Adepte, primitivement, du requinto (clarinette de tradition hispanique), il passe au saxophone alto et s’engage sur la voie du jazz, notamment en intégrant en 1953 l’orchestre de son compatriote Lalo Schifrin. Ayant adopté l’instrument qui fera sa gloire, le saxophone ténor, il s’établit en Europe, d’abord à Rome où il joue avec les boppers du cru. Il rencontre Don Cherry en 1965 au cours d’un des longs séjours que fait ce dernier en Europe – événement décisif qui lui vaut d’enregistrer ses premiers disques dans l’orbite du free sous la direction du trompettiste, en compagnie de trois musiciens européens, Karl Berger (piano et vibraphone), Jean-François Jenny-Clark (basse) et Aldo Romano (batterie). Un ensemble qui enregistre à Paris en 1965 l’album Togetherness, et que l’on retrouve à Rome au sein de l’orchestre de Giorgio Gaslini dans New Feelings. Il s’immerge aussitôt dans le free new-yorkais et participe, au côté de Pharoah Sanders, aux albums de Don Cherry Complete Communion et Symphony for Improvisers, enregistrés pour Blue Note en 1965 et 1966, et immédiatement diffusés.
Dans un milieu où les véhémences de saxophone sont monnaie courante, on reconnaît aisément le timbre de Gato Barbieri. L’esthétique du cri y compose avec un lyrisme qui lui appartient en propre. Les deux albums enregistrés sous son nom en 1967, In Search of the Mystery (à New York) et Obsession (en Italie), sont assez peu diffusés, de même que Orgasm (1968), sous la direction d’Alan Shorter, dans le style d’improvisation collective du free new-yorkais. À la même époque, il participe à des recherches plus sophistiquées avec Carla Bley et Michael Mantler au sein du Jazz Composer’s Orchestra, et pour des œuvres comme Escalator Over the Hill, opéra jazz sur des textes du poète Paul Haines (1968-1971). Il est associé à plusieurs projets de Carla Bley, comme la suite A Genuine Tong Funeral, composée pour Gary Burton et enregistrée en 1967, et le célèbre album Liberation Music Orchestra, dirigé par Charlie Haden (1969).
En 1968, la rencontre de Gato Barbieri avec Dollar Brand (Abdullah Ibrahim) pour le disque HambaKhale révèle une volonté nouvelle de doser les hardiesses sonores et de contrôler le timbre du saxophone en associant contraste et séduction. Une méthode qui lui assurera en peu de temps un accueil positif du public – d’autant qu’il a la chance de composer la musique du film de Bernardo Bertolucci LeDernier Tango à Paris. Le succès du disque (1972) se double de celui de l’album Yesterdays (1974), où se fixent les caractéristiques de l’œuvre à venir : lyrisme, valorisation du son de l’instrument, dialectique d’un discours musical entre véhémence et limpidité, appui sur une solide base rythmique, appelée à devenir exclusivement latino-américaine. Sur ce point, Barbieri a expliqué qu’il ne faisait pas de la salsa, c’est-à-dire de la musique pour danser, mais qu’il se référait à un univers culturel tout entier.
Comme beaucoup de musiciens qui s’engagent dans des recherches tendant à assimiler et dépasser le free jazz sans le renier, Gato Barbieri a ainsi adopté les rythmes latino-américains dans une impressionnante série d’enregistrements qui sont souvent devenus populaires. Son plus grand succès est l’album Caliente! (1976), caractérisé par de grandes ambitions orchestrales correspondant au goût de l’époque en matière de chanson et de musique de film : grand orchestre avec cuivres et violons, recours aux sons électroniques et percussions rock, éléments auxquels[...]
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Écrit par
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
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