- 1. Les contradictions du « molletisme » (1945-1971)
- 2. La préparation de la conquête du pouvoir (1971-1981)
- 3. L’ère mitterrandienne : entre succès et désillusion
- 4. Un leadership incertain (1995-2002)
- 5. Crise identitaire et difficile reconquête du pouvoir (2002-2012)
- 6. François Hollande et le « socialisme de l’offre »
- 7. L’effacement de la gauche socialiste
- 8. Bibliographie
GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945
La préparation de la conquête du pouvoir (1971-1981)
N’ayant pas été en mesure de se présenter en 1969, François Mitterrand comprend l’importance cruciale de la maîtrise des partis politiques. Sa prise de pouvoir au Parti socialiste est la première étape de la présidentialisation de l’organisation. Lors du congrès d’Épinay de 1971, François Mitterrand est désigné de justesse premier secrétaire, avec l’appui d’une partie de l’aile sociale-démocrate de l’ancienne SFIO (les fédérations du Nord de Pierre Mauroy et des Bouches-du-Rhône de Gaston Defferre) et de son aile marxiste (le CERES de Jean-Pierre Chevènement). Le PS adopte alors une réforme statutaire qui le structure durablement : il abandonne le scrutin majoritaire au profit de la représentation proportionnelle pour la répartition des postes de direction à tous les échelons du parti. L’histoire des congrès socialistes prend à partir de cette date la forme d’alliances au sommet, négociées entre les leaders des principaux courants. La démocratie interne est dominée par le jeu des sensibilités, qui correspondent alors à de puissantes divergences idéologiques. Chaque courant, y compris le courant central mitterrandiste, s’efforce de justifier son existence en fonction de ses orientations idéologiques, stratégiques et programmatiques. Pour ce faire, les frontières symboliques entre courants s’appuient sur les cultures politiques du parti et du milieu socialistes (dans les syndicats, les associations laïques, les associations d’éducation populaire…). Jusqu’en 1981, le PS se structure en une gauche et une droite sur lesquelles le premier secrétaire s’appuie alternativement, ce qui lui permet d’apparaître comme un homme de synthèse.
L’existence de courants contribue à une forte émulation idéologique et favorise le regroupement de sensibilités jusqu’alors dispersées (néomarxiste, autogestionnaire, réformatrice, chrétienne…). Les années 1970 voient un profond renouveau du socialisme français qui se produit en deux temps. En mai 1969, le parti a changé de nom (la SFIO est devenue Parti socialiste) et de leader (Guy Mollet a été remplacé par Alain Savary). Mais il s’agissait encore d’un replâtrage. Au congrès d’Épinay de juin 1971, de nombreux clubs, extérieurs au PS, le rejoignent et une nouvelle impulsion est donnée au parti. François Mitterrand, qui n’est pas socialiste de tradition (il vient du centre droit et a été plusieurs fois ministre sous la IVe République), dote le parti d’une nouvelle stratégie : pour remporter l’élection phare du jeu politique, l’élection présidentielle, il faut selon lui réaliser l’union de la gauche. Cette tension vers l’union impose une nouvelle ligne politique, marquée à gauche. Alors que le PS affirme la nécessité de la rupture avec le capitalisme, le reste de la social-démocratie européenne suit un chemin idéologique inverse.
Le nouveau premier secrétaire entreprend par ailleurs de rénover en profondeur l’appareil sclérosé du parti. Les effectifs militants sont renouvelés, le parti s’ouvre à la « société civile » et tente d’attirer à lui les nouvelles classes moyennes salariées qui deviennent le centre de gravité de la société française à partir des années 1970. En 1974, une fraction du PSU (Parti socialiste unifié) rejoint avec Michel Rocard le nouveau Parti socialiste. De nouvelles orientations s’affirment dès la rédaction du programme « Changer la vie » de 1972. Le PS construit une synthèse idéologique nouvelle, entre dirigisme économique marxiste (nationalisations et planification) et revendications des nouveaux mouvements sociaux (droits des femmes, montée de la démocratie locale, cadre de vie, rénovation urbaine). Aux municipales de 1977, le succès du Parti socialiste est éclatant. Une nouvelle génération d’élus socialistes accède aux responsabilités, remplaçant la génération des[...]
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Écrit par
- Rémi LEFEBVRE : professeur de science politique à l'université de Lille
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias