- 1. Les contradictions du « molletisme » (1945-1971)
- 2. La préparation de la conquête du pouvoir (1971-1981)
- 3. L’ère mitterrandienne : entre succès et désillusion
- 4. Un leadership incertain (1995-2002)
- 5. Crise identitaire et difficile reconquête du pouvoir (2002-2012)
- 6. François Hollande et le « socialisme de l’offre »
- 7. L’effacement de la gauche socialiste
- 8. Bibliographie
GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945
Un leadership incertain (1995-2002)
Même si François Mitterrand reste au pouvoir jusqu’en 1995, son âge fait de la question de sa succession, dès le début des années 1990, l’enjeu central des débats au sein du PS. Les candidats potentiels étant nombreux (Michel Rocard, Lionel Jospin, Laurent Fabius…), s’ouvre alors une période de grande instabilité. Le courant mitterrandiste explose et se déchire publiquement lors du congrès de Rennes (mars 1990) qui s’achève sans qu’une équipe de direction ait réussi à se constituer. Aux législatives de 1993, le PS, usé par la pratique du pouvoir et privé de ligne idéologique claire, essuie un échec cinglant. Seuls 57 socialistes ont été élus députés. Une nouvelle cohabitation s’engage, Édouard Balladur devenant Premier ministre. Aux Européennes de 1994, le parti atteint un étiage historique : il ne dépasse pas 14,5 % des suffrages.
La compétition présidentielle structure désormais la concurrence interne et tend à surdéterminer l’ensemble des enjeux partisans. Le parti est de plus en plus organisé autour de la primauté de l’élection présidentielle, la qualité d’éligible aux fonctions suprêmes se fondant de plus en plus sur des éléments externes au parti et sur une popularité que les sondages sont chargés de mesurer. Les courants deviennent des « écuries » présidentielles, regroupées autour de Laurent Fabius, de Lionel Jospin ou de Michel Rocard. Après la démission de Michel Rocard de la direction du parti en 1994, Jacques Delors, consacré par les sondages meilleur candidat potentiel, apparaît alors comme l’ultime recours de socialistes de plus en plus divisés, usés par la pratique du pouvoir et un contexte économique difficile. Mais Delors renonce publiquement à toute idée de candidature, ce qui provoque l’organisation, en 1995, de la première primaire socialiste (fermée, c’est-à-dire réservée aux adhérents) qui oppose Lionel Jospin à Henri Emmanuelli, deux personnalités qui ont exercé les plus hautes fonctions au sein du parti. Lionel Jospin fait valoir la « présidentiabilité » que lui confèrent les sondages. Il remporte la primaire, arrive en tête au premier tour de l’élection présidentielle avec 23,3 % des suffrages et obtient un score honorable au second tour face à Jacques Chirac, élu président de la République en 1995. Cette demi-réussite lui permet de prendre la tête du parti. Il s’agit d’un retournement dans le mode de désignation du leader socialiste : la direction du parti ne donne plus droit à l’investiture présidentielle, c’est l’investiture qui donne droit au poste de premier secrétaire. La transformation des règles de la démocratie interne du parti contribue par ailleurs à accentuer encore la personnalisation du débat. Les votes directs des militants sur des personnalités se multiplient. Le principe « un adhérent, une voix » s’impose et affaiblit la logique des mandats et des courants, tandis que la désignation au suffrage direct des dirigeants renforce la personnalisation de tous les postes de responsabilité au sein du parti.
À partir de 1995, Lionel Jospin revendique un « droit d’inventaire » sur le bilan controversé de la période Mitterrand, tente de dessiner les contours, encore flous, d’un « réalisme de gauche » et de fixer une nouvelle identité socialiste autour de formules qui prêtent à des exégèses multiples telles que : « Oui à l’économie de marché, non à la société de marché. » « Si l’économie produit des richesses, elle ne produit en soi ni valeur, ni projet, ni solidarité, ni sens », écrit-il en novembre 1999, à l’occasion d’un séminaire sur le réformisme qui réunit également Tony Blair, Bill Clinton et Gerhard Schröder. Le Premier ministre français rejette ainsi la « troisième voie » prônée par le Premier ministre britannique Tony Blair, la considérant comme[...]
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Écrit par
- Rémi LEFEBVRE : professeur de science politique à l'université de Lille
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias