- 1. Les contradictions du « molletisme » (1945-1971)
- 2. La préparation de la conquête du pouvoir (1971-1981)
- 3. L’ère mitterrandienne : entre succès et désillusion
- 4. Un leadership incertain (1995-2002)
- 5. Crise identitaire et difficile reconquête du pouvoir (2002-2012)
- 6. François Hollande et le « socialisme de l’offre »
- 7. L’effacement de la gauche socialiste
- 8. Bibliographie
GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945
François Hollande et le « socialisme de l’offre »
Au cours de sa campagne, François Hollande a alterné propositions marquées à gauche pour neutraliser son rival, l’ancien socialiste Jean-Luc Mélenchon, et signaux de réalisme économique envoyés aux « marchés » et à l’électorat modéré – l’un des enjeux du scrutin étant de séduire les 18,57 % d’électeurs qui avaient voté François Bayrou en 2007. Dans son discours du Bourget de janvier 2012, le candidat nomme son adversaire – « la finance » –, propose de taxer à 75 % les revenus annuels supérieurs à un million d’euros et critique l’Europe libérale. Mais il se veut aussi un candidat réaliste soucieux de désendettement et de lutte contre les déficits (son objectif : réduire dès 2013 le déficit à 3 % du PIB). Interviewé en février par The Guardian, François Hollande répond au journaliste britannique qui s’inquiète de l’arrivée de la gauche au pouvoir en France : « Aujourd’hui, il n’y a pas de communistes en France. La gauche a gouverné pendant quinze ans, pendant lesquels elle a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a pas de crainte à avoir. » Sa stratégie électorale attrape-tout évite les positions trop tranchées, ménage les différentes clientèles électorales du PS et lui permet de ne pas prendre d’engagements trop fermes dans un contexte économique très difficile. Anticipant de faibles marges de manœuvre, le candidat socialiste ne multiplie pas les promesses.
Sur le papier, 2012 est une année historique pour le PS. Sa position institutionnelle n’a jamais été aussi forte au cours de son histoire. L’ensemble des pouvoirs sont entre ses mains. La majorité absolue à l’Assemblée nationale (le groupe socialiste compte 295 députés sur 577) le dispense de l’appui de ses alliés. Pour la première fois de l’histoire politique française, il préside le Sénat, traditionnellement dominé par la droite. Il domine les pouvoirs locaux, ses maires siègent à la tête de la plupart des grandes villes (Paris, Lyon, Lille, Nantes, Rennes, Reims, Strasbourg, Toulouse…), 21 des 22 régions et plus de la moitié des 101 départements sont dirigés par des socialistes.
Mais cette situation inédite est de courte durée. La politique économique et sociale de François Hollande suscite une profonde déception dans l’électorat de gauche qui se démobilise et systématiquement, entre 2012 et 2017, sanctionne le PS lors de toutes les élections intermédiaires et aux législatives partielles. Poursuite des politiques d’austérité, soutien à « l’offre » et à la compétitivité des entreprises (sans précédent même sous les gouvernements de droite), la nouvelle politique socialiste ne produit pas les résultats escomptés (le chômage ne se stabilise qu’à la fin du quinquennat) et aggrave les inégalités sociales. Sous la Ve République, l’exercice du pouvoir a toujours été une épreuve pour le PS mais, jusqu’à 2012, ses expériences de gouvernement avaient toujours été marquées par quelques mesures emblématiques : nationalisations, augmentation des salaires, abolition de la peine de mort, 35 heures… Cette fois, aucune grande réforme économique de « gauche » ne marque les premiers mois de la mandature. Certes, la fiscalité du capital est alourdie dans les premières semaines du quinquennat. Mais, hormis quelques mesures symboliques et ponctuelles (revalorisation du salaire minimum, blocage temporaire du prix de l’essence, hausse de l’allocation de rentrée scolaire), les socialistes n’apportent aucun soutien à la demande ni à la consommation. Même l’augmentation du nombre d’enseignants (60 000 sur le quinquennat) est compensée par des réductions de postes dans d’autres branches de la fonction publique.
Lors de sa conférence de presse du 13 novembre 2012,[...]
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Écrit par
- Rémi LEFEBVRE : professeur de science politique à l'université de Lille
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias