- 1. Les contradictions du « molletisme » (1945-1971)
- 2. La préparation de la conquête du pouvoir (1971-1981)
- 3. L’ère mitterrandienne : entre succès et désillusion
- 4. Un leadership incertain (1995-2002)
- 5. Crise identitaire et difficile reconquête du pouvoir (2002-2012)
- 6. François Hollande et le « socialisme de l’offre »
- 7. L’effacement de la gauche socialiste
- 8. Bibliographie
GAUCHE SOCIALISTE EN FRANCE DEPUIS 1945
L’effacement de la gauche socialiste
À la présidentielle de 2017, la déroute est sans précédent sous la Ve République. Benoît Hamon (un ancien député frondeur), investi à l’issue d’une primaire ouverte très tendue, arrive péniblement en cinquième position au premier tour avec 6,5 % des suffrages. Quelques semaines plus tard, avec 9,5 % des suffrages aux élections législatives, le groupe socialiste se réduit à 31 députés, divisant ainsi par dix sa représentation nationale. Les contradictions du PS éclatent au grand jour et le font exploser. L’irrésistible ascension d’Emmanuel Macron, élu président de la République sur un programme nettement libéral, agit comme un accélérateur de transition et précipite le déclin du socialisme français.
Jusque-là, le PS avait profité électoralement de la rente de position dominante que lui donnait son hégémonie à gauche, et qui faisait de lui le seul parti de gouvernement progressiste capable de capter le « vote utile ». Ce mécanisme s’est doublement retourné contre lui. Le vote socialiste est soudain apparu comme « inutile », notamment face à l’extrême droite. Le contexte de l’élection était particulier et incertain. La gauche était très divisée, les sondages annonçaient la qualification de Marine Le Pen au second tour. La présence au second tour du candidat de la droite républicaine, François Fillon, et de son programme très libéral et conservateur, semblait également probable. Dans ce contexte, une grande part des sympathisants socialistes ont préféré voter Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron pour éviter « le pire » ou maximiser l’utilité de leur vote. La politique économique libérale de François Hollande (réelle ou perçue comme telle) a sans doute permis à une partie de l’électorat socialiste de glisser vers le centre. Mais elle a aussi profondément détaché du PS ce que les socialistes de 1981 appelaient le « peuple de gauche ». Le moment électoral de 2017 a finalement permis une cristallisation du démembrement de l’électorat socialiste, qui a éclaté en trois parts inégales prises dans les mâchoires d’une configuration électorale inédite.
Quelques mois après cette débâcle, le PS, ruiné faute d’un remboursement de campagne suffisant, a dû vendre son siège historique de la rue de Solferino, situé à quelques centaines de mètres de l’Assemblée nationale, au cœur des lieux de pouvoir parisiens. Les permanents, deux fois moins nombreux qu’auparavant, ont emménagé dans un modeste immeuble de la banlieue parisienne, à Ivry-sur-Seine. Inauguré par ce symbole édifiant du violent déclassement de l’ancien premier parti de la gauche française, le nouveau rôle politique du PS est, à partir de 2017, celui d’un mouvement politique de second ordre. S’il a conservé la plupart de ses mairies aux élections municipales de 2020 (Paris, Lille, Nantes, Rennes) et confirmé son ancrage territorial à l'occasion des départementales et des régionales de 2021, le score groupusculaire de sa candidate Anne Hidalgo à la présidentielle de 2022 (1,75 % des voix) a confirmé son statut de force politique d'appoint. Ce statut est entériné par sa participation minoritaire à l’alliance électorale de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) aux élections législatives de 2022. Ses résultats aux élections européennes de 2024, avec le mouvement Place publique (13,8 % des voix), lui permettent de présenter un nombre plus important de candidats aux élections législatives anticipées de 2024 (qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron), mais sans qu’il puisse prétendre à une quelconque hégémonie sur le Nouveau Front populaire, l’alliance électorale constituée par la gauche.
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Écrit par
- Rémi LEFEBVRE : professeur de science politique à l'université de Lille
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias