GAUGUIN ET LE "PRIMITIVISME" (repères chronologiques)
1886 Gauguin vient s'établir en Bretagne, à Pont-Aven, où il séjourne de juillet à octobre, en quête d'un contact avec une civilisation encore peu marquée par le monde moderne, dans laquelle il veut refonder sa peinture et sa sculpture. Lors de son second séjour breton en 1888, il écrira : « J'aime la Bretagne : j'y retrouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j'entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture. »
1887 Gauguin fait un court séjour à Panamá et à la Martinique entre avril et octobre.
1888 De janvier à octobre (où il part rejoindre Van Gogh à Arles), Gauguin séjourne de nouveau à Pont-Aven. La Vision après le sermon marque un tournant esthétique et intellectuel pour Gauguin, qui évolue pendant son séjour à Pont-Aven de l'impressionnisme au synthétisme.
Janvier 1889 Gauguin réalise un Pot en forme de tête en grès qui est en réalité un autoportrait inspiré, pour la forme, aussi bien de cruchons populaires dans la tradition céramique anglaise (les Toby-Jugs) que des pots péruviens qui lui étaient connus par ceux que possédaient sa mère ou son tuteur. C'est aussi pour lui, qui se revendiquait comme « indien » ou « inca », d'affirmer sa filiation péruvienne. De février à juin, il retourne à Pont-Aven, puis s'installe au Pouldu (jusqu'en octobre 1890), à l'auberge de Marie Henry, qu'il décorera avec Jacob Meyer de Haan et Paul Sérusier.
Automne 1889 Gauguin peint Le Christ jaune (Albright-Knox Art Gallery, Buffalo) ; son modèle principal est le Christ en bois polychrome du xviie siècle qui orne la chapelle de Trémalo, aux environs de Pont-Aven. Gauguin marque ainsi sa dette envers le primitivisme représenté ici par l'art populaire breton. Octave Mirbeau y verra en 1891 « un mélange inquiétant et savoureux de splendeur barbare, de liturgie catholique, de rêverie hindoue, d'imagerie gothique, de symbolisme obscur et subtil ». Le Christ jaune exercera une influence manifeste sur les peintres de Pont-Aven et sur les nabis.
1889-1890 Gauguin rêve de s'installer dans des contrées lointaines, le Tonkin, Madagascar, pour y fonder un « atelier des Tropiques ». Il finira par choisir Tahiti : « Je juge que mon art que vous aimez n'est qu'un germe », écrit-il à Odilon Redon, « et j'espère là-bas le cultiver pour moi-même à l'état primitif et sauvage ».
1890 Soyez mystérieuses, bas-relief en bois polychrome (musée d'Orsay, Paris), synthétise les modèles primitifs qui ont inspiré Gauguin avant son départ pour l'Océanie, tout en annonçant les modèles tahitiens : l'artiste avait pu en effet découvrir entre autres le village javanais, les danses et l'art des Javanais à l'Exposition universelle de 1889 à Paris.
Avril 1891-juillet 1893 Premier séjour tahitien de Gauguin. L'artiste, qui vit avec une jeune Polynésienne, découvre progressivement la civilisation Maorie, dont toute son œuvre est désormais imprégnée, non seulement par les sujets et les thèmes qui la sous-tendent, mais aussi par les titres en tahitien qu'il donne à ses tableaux (et qui seront d'ailleurs une des causes de leur semi-échec lorsqu'ils seront présentés à Paris en 1893-1894).
1894 Gauguin, revenu à Paris en août 1893, met au point Ancien Culte Mahorie et Noa Noa (parfum en tahitien), manuscrits illustrés fondés sur son expérience tahitienne et sur la découverte de la civilisation polynésienne. Pendant l'hiver, au moment où il a décidé de repartir pour la Polynésie, il exécute Oviri (« sauvage » en tahitien), sculpture en grès dont la tête dérive de la tradition marquisienne des crânes momifiés aux yeux incrustés de nacre, alors que le corps viendrait des sculptures du temple de Borobudur incarnant la fécondité. Elle symbolise le retour nécessaire[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification