GAULLISME
Le gaullisme est malaisé à définir. Le mot revêt en effet des acceptions multiples. Il peut signifier tout à la fois fidélité à la personne du général de Gaulle, adhésion aux pratiques politiques qu'il a mises en œuvre, appartenance aux diverses formations partisanes organisées sous son inspiration de son vivant, ou encore après sa disparition. Or de Gaulle n'a jamais véritablement théorisé ses conceptions, si bien qu'il n'est d'autre moyen d'en connaître le contenu que d'examiner les aspects successifs revêtus par le gaullisme, qui s'impose comme l'une des cultures politiques majeures de la France de la seconde moitié du xxe siècle. Or il n'y a pas identité entre les quatre visages successifs revêtus par le gaullisme, ceux du gaullisme de guerre, du gaullisme d'opposition, du gaullisme au pouvoir et du post-gaullisme. Il convient donc de les examiner tour à tour pour comprendre la signification d'une culture politique polysémique.
Le gaullisme de guerre
Le gaullisme naît à l'histoire le 18 juin 1940 comme un réflexe patriotique de refus de l'armistice négocié par le maréchal Pétain, qui signifie l'acceptation de la défaite de la France, puis de l'asservissement que représenteront l'Occupation et la collaboration. À ce stade, le gaullisme est d'abord volonté de remettre la France dans la guerre et, pour ce faire, de combattre l'Allemagne et ses alliés, militairement et politiquement, mais aussi d'affirmer avec force l'illégitimité du gouvernement de Vichy, qui a trahi la vocation profonde du pays en abandonnant le combat avant de se « ruer à la servitude », comme dira le général de Gaulle, citant Tacite, dans son discours à Londres du 2 juillet 1940. En d'autres termes, le pari fou du gaullisme première manière est de faire du petit groupe de Français qui a répondu à l'appel du 18 juin en gagnant Londres, pour y constituer la France libre – groupe dépourvu de tout moyen, ne pouvant faire état du ralliement d'aucune personnalité d'envergure et représentative, ignoré de l'opinion française, taxé de désertion par le régime de Vichy –, le dépositaire de la souveraineté nationale face au pouvoir légal de métropole, accepté sans réserve par la très grande majorité de l'opinion et reconnu internationalement. Le plus étrange est sans doute que le gaullisme gagne ce pari entre 1940 et 1944. Mais, entre-temps, la nature et le contenu du gaullisme se seront modifiés.
À l'origine culture du refus fondée sur une volonté de fierté nationale, le gaullisme recrute largement dans les milieux nationalistes de droite, voire d'extrême droite, majoritaires dans le groupe des militaires de carrière ou des administrateurs coloniaux qui constituent le gros de ses troupes, même si quelques hommes classés à gauche ou au centre gauche l'ont rejoint. Nombre de Français réfugiés à Londres ou de résistants des mouvements clandestins de métropole se méfient de ce « général à particule » dont les sentiments démocratiques paraissent pour le moins douteux.
Au demeurant, lui-même alimente cette méfiance en se déclarant « apolitique », consacrant tous ses efforts à défendre pied à pied, face aux Britanniques réticents, puis, à partir de 1941, aux Américains hostiles, la représentativité étatique des organismes paragouvernementaux qu'il a créés, Conseil de défense de l'Empire en octobre 1940, Comité national français en septembre 1941 ; à établir son autorité sur les territoires coloniaux ralliés ou libérés ; à organiser et équiper des troupes qui combattront aux côtés des Alliés. Aussi, en dépit des pressions d'une partie de son entourage, en particulier du juriste René Cassin, de Gaulle se refuse-t-il à toute profession de foi démocratique, redoutant qu'elle[...]
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Écrit par
- Serge BERSTEIN : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris
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Média
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