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GAULLISME

Le gaullisme d'opposition

Les années 1945-1946 font passer le gaullisme du refus patriotique à l'exposé de conceptions politiques dont la greffe sur les principes républicains traditionnels s'avère impossible. Sans doute le général de Gaulle remporte-t-il une première victoire le 21 octobre 1945 en faisant approuver par référendum la naissance d'une République nouvelle qui se substitue à la IIIe République (96 p. 100 de oui) et la limitation dans le temps et dans ses prérogatives de l'Assemblée constituante élue ce même jour (66 p. 100 de oui). Mais la différence entre ces deux chiffres révèle la nature du conflit qui se noue.

Pour la culture républicaine traditionnelle, la souveraineté nationale ne peut s'exprimer qu'à travers la majorité des élus de la nation et l'assemblée qui les réunit représente l'autorité suprême, cependant qu'il est légitime de se méfier du pouvoir exécutif, lointain avatar de la monarchie, qu'il importe de contrôler et de tenir en lisière. Pour le général de Gaulle, militaire étranger à cette tradition, le relèvement de la France et la nécessaire autorité de l'État impliquent un pouvoir exécutif fort, soustrait au contrôle tatillon et paralysant de parlementaires dont les prérogatives doivent être cantonnées dans d'étroites limites.

Or les membres de l'Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945 bénéficient de la légitimité que vient de leur conférer le suffrage universel et face à laquelle le pouvoir charismatique du général de Gaulle, issu de son rôle historique, pèse assez peu. Sans doute est-il élu le 13 novembre, à l'unanimité, président du Gouvernement provisoire de la République française (G.P.R.F.). Mais commence alors pour lui une épuisante guérilla avec les grands partis politiques représentés à l'Assemblée constituante (P.C., S.F.I.O., M.R.P.) qui, forts de la majorité dont ils disposent, entendent, sur tous les chapitres abordés, lui imposer leurs conceptions. De surcroît, il est sans action sur l'élaboration de la Constitution en cours, laquelle, loin de répondre à ses vœux sur le renforcement du pouvoir exécutif, s'oriente vers une restauration de la prééminence du Parlement. Pour reprendre l'initiative, de Gaulle tente le tout pour le tout : il démissionne de la présidence du G.P.R.F. le 20 janvier 1946, espérant un mouvement populaire en sa faveur, qui ne se produit pas.

Du moins tente-t-il, après le rejet par référendum en mai 1946 d'un premier projet constitutionnel, de faire connaître ses vues à l'opinion. Saisissant l'occasion des cérémonies célébrant le deuxième anniversaire de la libération de Bayeux, il y prononce, le 16 juin 1946, un grand discours dans lequel il exprime ses idées constitutionnelles. Considérant les institutions comme un agencement circonstanciel de pouvoirs organisés pour répondre, de la meilleure manière possible, aux défis de l'époque pour un peuple donné, il organise ses propositions autour de deux axes : la « séparation des pouvoirs », c'est-à-dire la fin de la prépondérance du législatif, et un  »arbitrage national [...] au-dessus des contingences politiques ». Ce dernier doit être confié à un président de la République n'émanant pas du Parlement, mais élu par un collège élargi de notables locaux et de représentants de l'Union française, et dont doit procéder le gouvernement. Quant au Parlement, constitué de deux Chambres reflétant les opinions canalisées par les partis, son rôle doit se borner à voter les lois et le budget, sans interférer avec l'action gouvernementale et sans pouvoir intervenir dans le choix des ministres, pris en dehors de lui. Ce que propose le général de Gaulle, c'est donc une véritable révolution de la culture politique française : le centre de gravité des institutions réside non plus dans la majorité de l'Assemblée élue au suffrage universel qui[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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Média

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