Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GAULLISME

Le gaullisme au pouvoir

Dès 1953, de Gaulle ne voit plus qu'une hypothèse qui lui permettrait de réaliser ses objectifs, une « secousse », un nouveau drame national, pour lequel il se pose d'avance en « recours ». C'est le cas de figure qui se réalise avec l'émeute algéroise du 13 mai 1958, la dissidence de l'« Algérie française » et la capitulation de la IVe République qui, au tournant de mai-juin 1958, remet le destin de la nation aux mains de Charles de Gaulle. Jusqu'en 1974, durant seize années, avec Charles de Gaulle, puis son successeur Georges Pompidou, le gaullisme est au pouvoir et la mise en pratique de ses conceptions permet d'en cerner la nature. Toutefois, à partir de 1958, le gaullisme se confond avec l'État et il importe de distinguer ce qui, dans son action, relève de ses principes fondamentaux et ce qui appartient au domaine de la réponse pragmatique aux problèmes posés à la nation.

Le noyau dur du gaullisme consiste en ce nationalisme des origines défini par l'État fort comme moyen et l'affirmation de la grandeur de la nation comme objectif. L'État fort est mis en place par la Constitution de 1958, négociée dans un premier temps avec les forces politiques de la IVe République, et qui juxtapose les deux principes contradictoires de la primauté du président de la République et du maintien du régime parlementaire. En fait, la pratique mise en œuvre par le général de Gaulle – et qui se trouve facilitée par la persistance de la guerre d'Algérie dont chacun est persuadé qu'il est le seul à pouvoir apporter la solution – privilégie le pouvoir présidentiel exercé de manière autoritaire, ses procédés de démocratie directe et le style quasi monarchique des interventions gaulliennes. La révision constitutionnelle de 1962, qui institue que le chef de l'État sera désormais élu au suffrage universel direct et non par le collège de notables instauré en 1958, couronne, en lui donnant tout son sens, le nouveau système politique.

Mais l'État fort suppose également que le Parlement accepte la situation subordonnée qui est désormais la sienne, ce qui implique que sa majorité – qui peut toujours censurer le gouvernement – accepte de laisser gouverner le président. C'est l'objet de la création, durant l'été de 1958, d'une nouvelle formation politique gaulliste, l'Union pour la nouvelle République (U.N.R.), à laquelle succédera en 1967 l'Union des démocrates pour la Ve République (U.D.Ve) qui prendra en 1968 le nom d'Union pour la défense de la République (U.D.R.), puis, en conservant le même sigle, celui d'Union des démocrates pour la République. Construits sur le modèle hiérarchique qui était celui du R.P.F., mais dépourvus de président (puisque leur véritable chef est à l'Élysée), ces partis qui n'osent pas dire leur nom n'ont d'autre objectif que de convaincre les électeurs d'appuyer la politique présidentielle et de faire de l'Assemblée nationale un instrument docile des volontés du chef de l'État. Leurs adhérents, résumera avec humour un député, ne se veulent rien d'autre que les « godillots du général ». Toutefois, malgré sa percée en 1958, l'U.N.R. n'est pas assez puissante pour assurer au général une majorité sûre. Après la fin de la guerre d'Algérie, en octobre 1962, l'Assemblée nationale votera même, pour la seule et unique fois dans l'histoire de la Ve République, une motion de censure contre le gouvernement Pompidou. Mais, lors des consultations suivantes, en 1962, 1967, 1968, 1973, les formations gaullistes, associées à des partis alliés et plus ou moins satellisés, rempliront leur mission et feront de l'Assemblée nationale l'auxiliaire dévouée de la politique présidentielle.

Essais nucléaires français au Sahara algérien - crédits : CEA

Essais nucléaires français au Sahara algérien

Aux yeux du gaullisme,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

Classification

Média

Essais nucléaires français au Sahara algérien - crédits : CEA

Essais nucléaires français au Sahara algérien

Autres références

  • BOUCHINET-SERREULLES CLAUDE (1912-2000)

    • Écrit par
    • 679 mots

    Claude Bouchinet-Serreulles, fils d'industriel, né le 26 janvier 1912 à Paris, licencié en droit et diplômé de l'École libre des sciences politiques, avait observé les méfaits du nazisme en 1937-1938 lorsqu'il avait été attaché du conseiller commercial à Berlin. Officier d'ordonnance...

  • CHABAN-DELMAS JACQUES (1915-2000)

    • Écrit par
    • 887 mots

    Général à vingt-neuf ans, député radical à trente et un ans, maire de Bordeaux durant quarante-sept ans, ministre de Mendès France, Premier ministre de Georges Pompidou, Jacques Chaban-Delmas a été aux premiers rangs de la vie politique durant un demi-siècle. À sa mort, survenue le 10 novembre...

  • CHALANDON ALBIN (1920-2020)

    • Écrit par
    • 1 064 mots

    Haut fonctionnaire, homme d’affaires et homme politique français, ancien résistant, gaulliste de la première heure, Albin Chalandon a dirigé plusieurs ministères avant de devenir P-DG d’Elf-Aquitaine, puis d’occuper le poste de garde des Sceaux de 1986 à 1988.

    Né le 11 juin 1920 dans la commune...

  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période gaullienne (1958-1969)

    • Écrit par
    • 8 909 mots
    • 15 médias
    ...très courte campagne. Les résultats confirment ceux du référendum. L'Union pour la nouvelle République (U.N.R.), créée le 1er octobre pour rassembler les gaullistes, obtient un gros succès, avec 212 élus. Le mode de scrutin majoritaire a donné une prime très importante aux gaullistes : avec 20,3 p....
  • Afficher les 34 références