GAY PRIDE
Symbole de l'homosexualité moderne dans les pays occidentaux, la Gay Pride est le produit des mouvements de libération homosexuelle nés au début des années 1970. À l'origine, c'est une marche revendicative commémorant des événements qui se sont déroulés à New York en juin 1969. Après que des arrestations ont eu lieu dans un bar de Christopher Street fréquenté principalement par des travestis, le Stonewall Inn, des affrontements opposent des homosexuels aux forces de l'ordre durant plusieurs nuits, inaugurant une résistance active contre les brutalités policières qui sont alors monnaie courante. Un an plus tard, le 28 juin 1970, une Christopher Street Liberation Parade est organisée par deux organisations nouvellement créées. La manifestation devient annuelle à New York, puis dans d'autres villes des États-Unis. En France, en revanche, elle se développe plus tardivement, de manière fortement dépendante des contextes politique, juridique et organisationnel.
Les origines
Lorsque la première marche est organisée à New York, la principale organisation homosexuelle qui existe en France, Arcadie, défend des principes de respectabilité et de discrétion diamétralement opposés à cette démarche. En mars 1971, son président participe à une émission de radio de Menie Grégoire sur R.T.L., qui est bruyamment interrompue par des lesbiennes féministes en rupture avec l'association. Dans les jours qui suivent, les mêmes créent le Front homosexuel d'action révolutionnaire (F.H.A.R.), ouvrant la phase « révolutionnaire » de l'histoire du mouvement homosexuel français. Quelques semaines plus tard, les militants du F.H.A.R. s'attirent les foudres de la gauche partisane et syndicale en participant au défilé du 1er-Mai sous des formes jugées outrancières : c'est l'occasion de l'entrée en scène des Gazolines, la frange radicale du F.H.A.R. composée de « folles » et autres personnages défiant les catégories de genre. Chaque année désormais, durant la décennie de 1970, les homosexuels intégreront le défilé au côté des féministes, à l'initiative du F.H.A.R. puis du Groupe de libération homosexuel (G.L.H.).
La première manifestation française exclusivement homosexuelle se déroule à Paris le 25 juin 1977, à l'appel du Mouvement de libération des femmes (M.L.F.) et du G.L.H., en soutien aux homosexuels américains qui affrontent alors la campagne anti-homosexuelle d'un groupe chrétien mené par une célébrité éphémère, la chanteuse Anita Bryant. Puis, en 1979, est organisée une marche homosexuelle qu'on peut considérer comme la première Gay Pride française, qui devient dès lors annuelle. Ainsi, près de dix années séparent la création de la manifestation à New York et son apparition en France, qui s'effectue dans un contexte de transition. Tout d'abord, au niveau politique, puisqu'on assiste à la montée du Parti socialiste dès les élections législatives de 1978. Ensuite, au niveau de l'espace des mobilisations, car si le G.L.H. s'éteint déjà, de nouveaux acteurs émergent en 1979 : le Comité d'urgence anti-répression homosexuelle (C.U.A.R.H.) et le magazine Gai Pied, qui sera le principal titre de presse homosexuel jusqu'en 1992, date de sa disparition.
Le 4 avril 1981, une marche nationale pour les droits et les libertés des homosexuels est organisée à Paris par le C.U.A.R.H. à la veille de l'élection présidentielle : succès sans précédent, elle réunit dix mille personnes. Le 13 avril, une soirée a lieu au Palace pour célébrer le second anniversaire de Gai Pied, durant laquelle est lu un message de soutien adressé par le candidat socialiste à la présidence de la République, François Mitterrand, faisant part de son attention au mode de vie des gays, et de la nécessité d'abolir de vieilles lois pour en créer d'autres.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christophe BROQUA : anthropologue, docteur de l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
-
HOMOSEXUALITÉ
- Écrit par Frédéric MARTEL
- 9 195 mots
- 1 média
Le succès croissant de la Gay Pride parachève ce mouvement : anecdotique dans les années 1970 (la première date en France de 1977), marginale à partir de 1983 et dérisoire à la fin des années 1980, la manifestation de la « fierté » gay rassemble 10 000 personnes en 1993, 20 000 en 1994, 60 000...