GÉBÉ GEORGES BLONDEAUX dit (1929-2004)
Journaliste et dessinateur d'humour dans la presse satirique, Georges Blondeaux, né le 9 juillet 1929 à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, est fils unique. En 1945, à l'École normale d'instituteurs de Versailles, il échoue au baccalauréat. Deux ans plus tard, il entre à la S.N.C.F. comme dessinateur industriel, et prépare seul l'examen, qu'il réussit. Au fil des treize années passées dans l'entreprise, il se perfectionne. L'année 1955 marque un tournant dans sa vie : il se marie et, sous la signature de Gébé, publie ses premiers dessins d'humour dans La Vie du rail, puis dans le Journal du dimanche, Radar, Paris-Match et Bizarre. Durant ces années fastes pour le gag graphique en France, ses préférences vont à Maurice Henry, Chaval ou Mose, dont l'humour noir et le goût de l'absurde renouvellent le genre.
En 1960, Gébé rencontre les créateurs de Hara-Kiri, Cavanna et Georges Bernier (alias Professeur Choron). Dès le numéro 3, il participe au célèbre mensuel « bête et méchant », où il côtoiera Fred, Reiser, Topor, Wolinski et Cabu. « Bal tragique à Colombey : un mort », qui annonce en couverture la mort du général de Gaulle, en parodiant un fait divers dramatique, l'incendie d'un dancing à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), conduit à l'interdiction de L'Hebdo Hara-Kiri en novembre 1970. Cette censure est détournée par la création de Charlie Hebdo(1970-1982), dont Gébé devient le rédacteur en chef. En 1986, il dirige pendant six mois la rédaction de Zéro, puis il est directeur artistique de L'Idiot international de 1989 à 1992 et au début des années 1990, participe à La Grosse Bertha. Enfin, en 1992, la réapparition de Charlie Hebdo dans une nouvelle version le place à la direction de la publication, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort. Entre provocations et censures, l'histoire de la presse satirique en France est riche en rebondissements, mais bénéficie aussi de la permanence de certains de ses acteurs, dont Gébé.
Son talent graphique se double d'une écriture visuellement très évocatrice, qu'il met au service de pièces radiophoniques pour R.T.L., de chansons pour Yves Montand ou Juliette Gréco, de sketches avec Topor et Jean-Michel Ribes pour les émissions de télévision Merci Bernard (1982) ou Palace (1988). Dès les années 1970, il s'est illustré par des chroniques à la fois littéraires et graphiques dans Hara-Kiri et Charlie Hebdo. Souvent inspirées de faits divers qu'elles dynamitent, ses histoires surprennent par un regard et une sensibilité en complet décalage avec les préoccupations ordinaires. Ses brefs récits ont été rassemblés dans les recueils Reportages (1973, repris in Reportages pas vraiment ratés, 2001) et Un dimanche au frais (1996).
L'univers de Gébé orchestre autant une satire virulente des absurdités de la vie courante qu'une utopie en action. Son premier personnage était une sorte d'anthropoïde dévastateur, l'insolite et inquiétant Berck (Hara-Kiri, 1965, repris en 1978, avant le recueil Tout Berck, 1992). Avec L'An 01, le mouvement libertaire et utopique de Mai-68 prend corps, l'humour et la poésie en sus : d'abord publié dans Charlie Hebdo, ce récit illustré devient un scénario auquel participent les lecteurs, et un film réalisé en 1972 par Jacques Doillon, avec pour certaines séquences Jean Rouch et Alain Resnais. Critique sociale et idéologique, hymne à la rébellion non violente, son message se veut radical : « On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste. »
Alors que les tout premiers dessins d'humour de Gébé (Rue de la magie, 1961) témoignaient déjà de sa modernité, l'acuité de sa vision critique s'est accrue avec l'exercice des chroniques de presse satirique ultérieures – depuis Il est fou (1971) jusqu'aux[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
Classification
Autres références
-
BANDE DESSINÉE
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 22 913 mots
- 16 médias
...s’y ajoute, selon les cas, la critique sociale, le militantisme idéologique, l’humour noir, l’humour absurde, la dérision des valeurs traditionnelles. Les utopies du temps se retrouvent chez Gébé (Georges Blondeau, 1929-2004), auteur notamment de L’An 01 (1971). Jean-Marc Reiser, lancé par Hara-Kiri... -
LES CAHIERS DESSINÉS (exposition)
- Écrit par Nelly FEUERHAHN
- 1 078 mots
- 1 média
...new-yorkaises, sont exposés des dessins publiés dans Carnets secrets (1964). Tetsu (1913-2008) surprend avec d’étranges images de couples en lavis. De Gébé (1929-2004), pilier de HaraKiri, spécialiste du pas de côté et réalisateur de l’utopique L’An 01, des planches de son indéfinissable...