Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TALLEMANT DES RÉAUX GÉDÉON (1619-1692)

Bien que sa famille fît partie de la grande bourgeoisie protestante et occupe une place importante dans le monde de la haute finance, Tallemant des Réaux a toujours préféré aux affaires la littérature, le monde et la compagnie des gens d'esprit. Il écrit des satires, des rondeaux, des épigrammes qu'il ne montre « qu'à ses plus particuliers amis » ; il annote l'œuvre de Voiture et rassemble dans des recueils les poèmes manuscrits de son temps qui lui paraissent les plus intéressants. Il est « surtout un observateur des mœurs et un conteur » (A. Adam). Les relations qu'il doit à sa famille, la fréquentation du monde, les confidences de la marquise de Rambouillet dont il reste, avec son frère l'abbé François Tallemant, le dernier fidèle, lui ont permis de recueillir une masse considérable d'anecdotes sur son temps et sur l'époque immédiatement antérieure ; il a complété cette documentation par la lecture de documents imprimés et de mémoires manuscrits. De 1657 à 1659 il rédige les Historiettes, qui ne seront publiées (avec des coupures et des retouches prudentes) qu'à partir de 1834 ; il pensait les prolonger par des Mémoires de la Régence (d'Anne d'Autriche), mais ce projet, dont rien ne nous est parvenu, ne semble pas avoir eu de suite. Les Historiettes ne sont, écrit Tallemant, « que petits Mémoires qui n'ont aucune liaison les uns avec les autres », il « y observe seulement en quelque sorte la suite du temps ». Il y en a plus de trois cents ; chacune d'elles est consacrée à un personnage, parfois à deux ou à trois, ou à une série d'anecdotes que leur analogie invite à rapprocher. Le dessein de l'auteur « est d'escrire tout ce [qu'il a] appris et [qu'il apprendra] d'agréable et de digne d'estre remarqué », et il prétend « dire le bien et le mal sans dissimuler la vérité ». En quelques pages — plus rarement quelques dizaines de pages —, Tallemant brosse un portrait, retrace brièvement une biographie, ou énumère de façon un peu décousue quelques traits, quelques épisodes curieux, significatifs, piquants (ou choquants) d'une vie. Malherbe, Richelieu, Louis XIII, Boisrobert, Ménage et bien d'autres sont ainsi « épinglés ». Il démasque les visages — et finalement la face méconnue de toute une époque — avec une clairvoyance où l'on s'est obstiné à voir de la malveillance, une crudité qui a longtemps scandalisé, une exactitude que confirment toutes les recherches, apportant ainsi sur la vie française au temps de Henri IV, de Louis XIII et de la régence d'Anne d'Autriche un témoignage d'une précision et d'une vérité inestimables, celui d'un observateur qui a su ne pas être dupe et ne rien perdre de sa liberté.

— Bernard CROQUETTE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification