GÊNES
Héritière d'une puissante république marchande indépendante jusqu'à la fin du xviiie siècle, Gênes est le premier port maritime d'Italie et la cinquième ville du pays (640 000 hab. en 2005). Genuensis, ergo mercator ( Génois, donc marchand) : le mot caractérise aussi l'histoire même de Gênes. Cette histoire est celle d'une communauté d'aventuriers et de marchands, quittant un sol ingrat pour créer, dès le xiie siècle, une chaîne de comptoirs le long des grands axes commerciaux méditerranéens, et servir d'intermédiaires entre l'Orient et l'Occident sachant, malgré les rivalités inévitables, acquérir par ces échanges une prodigieuse fortune et devancer les mutations nécessaires aux changements de la situation historique. Marins, négociants, banquiers, explorateurs du monde, les Génois ont manifesté une énergie, un esprit d'entreprise, un sens des affaires exceptionnels.
Ces succès ont leurs revers. Farouchement individualiste, étranger à la notion d'une discipline collective, ce peuple de marchands n'a pas su assurer à sa ville une stabilité politique. L'histoire de la Commune génoise n'est qu'une suite de complots, de soulèvements, d'exils et de retours, où s'épuisent les factions, où se perd l'indépendance de la ville. Face aux particuliers, l'État, qui leur a aliéné ses ressources, est impuissant. À partir de 1528, le pouvoir passe aux mains de l'aristocratie financière qui donne enfin à l'État des institutions solides. La politique est désormais l'art de sauvegarder un capital investi dans toute l'Europe. L'habileté des grands a été telle que la République aristocratique a su se maintenir, contre ses puissants voisins, jusqu'à l'arrivée de Bonaparte en Italie.
Des origines obscures
Jacques de Voragine, auteur d'une chronique de Gênes jusqu'en 1296, attribue à Janus la fondation de sa ville. La légende a une part de vérité : Genua signifie étymologiquement le débouché, le passage, que symbolise le dieu au double visage.
Le site – une colline dominant une baie en eau profonde – est occupé dès le ve siècle avant J.-C. Des nécropoles révèlent la coexistence de noyaux ethniques différents, Ligures, Étrusques et Grecs peut-être. Gênes entre dans l'alliance romaine au moment des guerres puniques et sert de base de départ aux Romains lors de leur conquête de la Ligurie. Malgré l'ouverture des voies Postumia et Æmilia Scauri, la romanisation est lente et difficile ; elle laisse à Gênes peu de témoignages. La ville paraît s'effacer de l'histoire jusqu'au iiie siècle après J.-C., lorsque se constitue la première communauté chrétienne, sous la conduite d'évêques dont le plus célèbre est san Siro (vers 360).
Les notices concernant le haut Moyen Âge sont rares. Au début du vie siècle, Gênes tombe au pouvoir des Goths de Théodoric, puis en 537 des Byzantins. Elle est conquise par les Lombards vers 640, par les Francs après 774, qui l'englobent au ixe siècle dans la marche de Toscane. Ces dominations successives ne brisent pas la continuité de la vie citadine. Refuge de reliques et de trésors qu'une flotte fatimide pille en 935, Gênes reconstruit ses murs après 950 et obtient du roi d'Italie, Bérenger II, la reconnaissance de ses coutumes (958).
Au xie siècle s'affermit l'indépendance politique de la ville en même temps que se prépare son essor économique. Sous l'autorité théorique des marquis Obertenghi et de leurs délégués, les vicomtes, Gênes passe vite sous la coupe de ses évêques (1056) qui entrent en conflit avec les marchands et les familles vicomtales. La première croisade impose un accord : la Compagna, association jurée de tous les habitants, temporaire mais renouvelable. De la Compagna naît la Commune où[...]
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Écrit par
- Michel BALARD : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Jacques GUILLERME : chargé de recherche au C.N.R.S.
- Michel ROUX : professeur émérite
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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