GÈNES, biologie
Du gène à l'ADN chromosomique
Qu'est ce qu'un gène aujourd'hui ? Il n'y a pas deux spécialistes pour donner la même réponse à cette question. Selon l'une des définitions initiales, le gène est une vue de l'esprit, une abstraction représentant le caractère héréditaire. Ainsi, le caractère « ridé » du pois est représenté par le gène « ridé ». Tout comme les nombres, qui sont une représentation conventionnelle permettant de faire des opérations arithmétiques, les gènes, associés aux lois de Mendel, sont des représentations conventionnelles des caractères permettant de faire des calculs sur les ressemblances héréditaires. Si l'on s'en tient à cette définition, le gène abstrait, méthode de calcul des premiers mendéliens, n'est pas une structure réelle. De même, l'organisme n'est pas une somme de caractères : une accumulation de qualificatifs tels que « ridé » ne fait pas un pois. Pas plus que l'on ira chercher les nombres cachés dans les objets pour expliquer qu'on peut les additionner, il n'est question au départ de chercher un support matériel au gène pour expliquer que l'on peut calculer sa transmission. Le gène mendélien englobe un ensemble de processus multiples et variés.
Dans les années 1910, les travaux de Thomas H. Morgan sur la mouche du vinaigre (drosophile) montrèrent que des modifications précisément localisées sur les chromosomes peuvent être associées aux caractères. La position de chaque modification est appelée locus chromosomique. Les chromosomes se présentent comme des bâtonnets allongés, sur lesquels on peut placer une succession de tels locus, ce qui forme la carte chromosomique. Aujourd'hui, de la même manière, les marqueurs génétiques, version moderne des locus, constituent autant de balises de repérage sur la carte des chromosomes. Ils sont exploitables pour le suivi des caractères ou le diagnostic médical.
L'association statistique de certaines régions chromosomiques avec des caractères n'est certes pas une relation de causalité. Cependant, Morgan ouvrait la voie qui permettrait de conférer une réalité matérielle et une valeur causale au gène abstrait des mendéliens. Le pas fut franchi notamment grâce à la découverte de la molécule d'ADN au cœur des chromosomes et des mécanismes de la synthèse des protéines. On aboutit au déterminant génétique de la biologie moléculaire : aujourd'hui, le gène est un segment de la molécule d'ADN, plus ou moins facile à délimiter, qui dirige la synthèse d'une protéine. Malheureusement, sauf à considérer qu'une protéine forme à elle seule un caractère, il est impossible d'identifier ce gène-ADN-protéine des biologistes moléculaires au gène-caractère des mendéliens. Pour ces derniers, la correspondance entre gène et caractère définit le gène et fait tout l'intérêt du concept. La briser revient à détruire l'édifice. C'est bien le cœur du problème : une telle correspondance est loin d'être établie entre l'ADN et le caractère héréditaire. Que devient la génétique si le gène « ridé » ne correspond pas exactement au caractère « ridé » ? Même en admettant une relation simple entre l'ADN et les protéines, ce qui est une approximation de moins en moins facile à tenir, le chemin reste bien long et tortueux des protéines aux caractères héréditaires. De plus, il ne dépend pas seulement de l'ADN. Malgré les efforts déployés, la génétique mendélienne n'est pas soluble dans la biologie moléculaire : l'ADN ne porte pas les gènes de Mendel.
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Écrit par
- Pierre SONIGO : directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M.
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