GÊNES
L'âge d'or (XIIe-XIIIe s.)
Avec la première croisade s'ouvre l'époque la plus glorieuse de l'histoire de Gênes, célébrée par Caffaro et ses continuateurs dans leurs annales. Dès 1097, et jusqu'en 1110, Gênes arme plusieurs flottes qui aident les croisés à s'emparer des principales places de Syrie. En échange, les barons francs attribuent aux Génois une part de butin, un quartier ou fondouk, l'exemption des taxes dans les villes conquises. Mais la conquête territoriale n'est pas pour les Génois un but en elle-même. Les comptoirs servent de support aux opérations commerciales : importation en Occident des produits de luxe de l'Orient – les célèbres épices –, exportation en Orient de draps de laine, d'armes, de bois et de fer, transport des croisés et des pèlerins, ravitaillement des chrétiens de Palestine, telles sont les causes d'un enrichissement rapide auquel peuvent participer toutes les couches de la société génoise.
La sauvegarde de ce réseau d'affaires dicte à Gênes sa politique extérieure. Le plus proche concurrent était Pise, et l'enjeu, la domination de la mer Tyrrhénienne, de la Corse et de la Sardaigne. De longues guerres opposent les deux rivales, jusqu'au moment où Gênes anéantit la puissance navale de Pise à Méloria, en 1284. Vis-à-vis des empereurs germaniques, la ville revendique son autonomie, l'obtient en 1162, la défend jalousement face aux prétentions de Frédéric Ier et de Frédéric II. La Sicile, elle, commande les routes de l'Orient et fournit à Gênes une grande part de son ravitaillement ; il faut donc éviter que des maîtres trop puissants, Frédéric II puis Charles d'Anjou, ne lèsent les intérêts génois.
L'Orient est le champ des longues rivalités entre Gênes et Venise. Exclue des terres byzantines après la croisade de 1204 à laquelle elle ne participe pas, Gênes promet l'appui de sa flotte à Michel VIII Paléologue qui, redevenu maître de Constantinople, donne à ses alliés le monopole du commerce en mer Noire (1261). L'éviction de Venise provoque la guerre. La victoire génoise de Curzola (1298) et le traité de Milan interrompent le conflit, sans en supprimer les causes. En mer Noire aboutissent en effet les routes des épices qu'il importe de contrôler ; les Génois les parcourent jusqu'en Inde et en Chine.
En Occident, l'expansion génoise répond aussi à des besoins économiques. Pour contrôler les cols de l'Apennin, s'assurer le recrutement de marins et de soldats, Gênes construit, non sans résistances, un État de terre ferme s'étendant de Porto-Venere à Monaco, de la proche montagne à la mer. Elle obtient des privilèges commerciaux en Afrique du Nord et en Espagne, conclut des traités avantageux avec les villes de Provence et du Languedoc. Dès la fin du xiie siècle, Gênes commande les routes directes entre les foires de Champagne et le Levant ; cent ans plus tard, elle établit les premières liaisons maritimes régulières entre l'Italie, les Flandres et l'Angleterre. Les rois de France, pour leurs croisades ou leurs projets anti-anglais, les souverains portugais et aragonais font appel aux Génois leur science nautique, la qualité de leur flotte, leur habileté en affaires n'ont pas d'égales en Occident.
Mais l'individualisme, qui a suscité de telles réussites, mine l'État que les grandes familles se disputent en continuelles luttes de factions : guelfes contre gibelins, Fieschi et Grimaldi contre Doria et Spinola. La vie politique est une succession de complots, de renversements et d'exils. Les consuls, renouvelés tous les ans, dirigent la Commune pendant un siècle (1098-1190) et sont ensuite remplacés par des podestats étrangers. En 1256, un tumulte impose la désignation d'un capitaine du peuple, Guglielmo Boccanegra, renversé six ans plus tard. Un[...]
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Écrit par
- Michel BALARD : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Jacques GUILLERME : chargé de recherche au C.N.R.S.
- Michel ROUX : professeur émérite
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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