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GÉNÉTIQUE ET DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE

Les gènes en cause et leur rôle

Estimer la part des gènes dans les différences entre les individus est intéressant, mais n’enseigne rien sur les points essentiels, à savoir où ces gènes se situent sur les chromosomes et surtout quand (à quel moment de la vie) ils s’expriment et de quelle manière ils agissent dans l’organisme.

La recherche en génétique a connu au tournant du xxie siècle des développements extraordinaires et permet pour partie de répondre à ces questions. Restons dans le domaine de l’intelligence. Il est probable que la plupart des gènes qui s’expriment dans notre cerveau (soit la majeure partie des 22 000 gènes de notre espèce) aient des effets sur les comportements et, pour beaucoup d’entre eux, sur la cognition. Malgré leur rareté, les gènes les plus faciles à identifier sont les gènes liés à des conditions pathologiques, parce que leurs effets sont plus faciles à détecter.

On peut citer le gène PAH(pour phénylalanine hydroxylase) associé à une maladie : la phénylcétonurie. Le gèneestsitué sur le chromosome 12. Environ cinq cents mutations différentes du gène ont été identifiées, ce qui illustre la complexité des phénomènes génétiques. La mutation du gène entraîne le déficit de la PAH qui permet la transformation de la phénylalanine en tyrosine. Dans la phénylcétonurie classique (82 p. 100 des cas), l’activité de l’enzyme phénylalanine hydroxylase est très faible (entre 0 et 1 p. 100 de l’activité normale) et, donc, le taux de phénylalanine est très élevé. La phénylalanine passant la barrière hémato-encéphalique, via la circulation sanguine, perturbe la synthèse protéique intracérébrale. La conséquence immédiate de l’accumulation de la phénylalanine et de ses dérivés dans le cerveau est l’altération du développement de ce dernier et, in fine, du développement psychologique.

La maladie peut être détectée, dès la naissance, par dosage de la phénylalanine plasmatique à partir d’un prélèvement sanguin. Le dépistage systématique s’opère en France au troisième jour de vie. Si le taux de phénylalanine s’avère trop élevé, des analyses complémentaires sont réalisées. En cas de confirmation du diagnostic, le traitement commence le plus tôt possible. On estime qu’en France cinquante nouveaux cas par an sont dépistés et pris en charge. Le traitement consiste en un régime alimentaire pauvre en phénylalanine, dont l’efficacité doit être contrôlée au moins pendant toute l’enfance. Ce régime est contraignant, mais l’enjeu est de taille : non traités dans les jours qui suivent leur naissance, les enfants développent des troubles cérébraux (ou encéphalopathie) progressifs, dont l’évolution est rapide, avec un retard de développement, puis une déficience intellectuelle souvent sévère, quoique non systématique. À noter que les femmes enceintes porteuses de la mutation doivent impérativement contrôler leur taux de phénylalanine. Il s’agit d’éviter tout risque d’altération du développement du cerveau du fœtus, même si ce dernier est non porteur de la mutation. En effet, la phénylalanine passe la barrière placentaire tout comme l’alcool et les drogues.

On connaît beaucoup d’autres gènes qui perturbent le développement du cerveau avec pour conséquences des troubles du développement cognitif et (ou) du comportement. Deux banques de données riches d’informations sont disponibles : le portail des maladies rares Orphanet (en français) et OMIM (Online Mendelian Inheritance in Man).

On connaît aussi des gènes qui sont liés à des différences individuelles non pathologiques. C’est le cas du gène COMT (catéchol-O-méthyltransférase). L’enzyme catéchol-O-méthyltransférase est la principale enzyme impliquée dans la dégradation de la dopamine. Ce neurotransmetteur est tout particulièrement actif dans le cortex préfrontal, région du cerveau qui joue un rôle[...]

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  • : professeure émérite de psychologie, université d'Aix-Marseille

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