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GÉNÉTIQUE ET DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE

L’épigénétique

On regroupe sous le terme « épigénétique » des mécanismes moléculaires qui, au sein du génome, peuvent réguler l’expression des gènes. Ces mécanismes, comme tout ce qui se passe dans la cellule, peuvent subir les effets de l’environnement. On savait depuis longtemps qu’un même gène pouvait s’exprimer différemment selon l’environnement dans lequel il se trouve. On savait aussi que des expériences vécues pouvaient avoir des effets tout au long de la vie, mais les mécanismes biologiques responsables demeuraient peu élucidés. On sait maintenant que des facteurs d’environnement peuvent provoquer l’élimination de groupes méthyles de l’ADN et conduire à une sous-expression ou même à la non-expression d’un gène. L’épigénétique intéresse ainsi non seulement la médecine, mais aussi la psychologie du développement. En effet, les conditions de vie – y compris de la vie utérine – peuvent avoir des effets sur l’expression des gènes. Au début des années 2000, des chercheurs canadiens ont montré chez des rongeurs que la qualité des soins prodigués par la mère a des effets sur la susceptibilité au stress des petits (plus les soins sont « bons », mieux les jeunes gèrent le stress). Toujours chez les rongeurs, on a mis en évidence l’existence de périodes sensibles au cours du développement, pendant lesquelles des modifications épigénétiques stables peuvent s’installer. Ces modifications touchent en particulier le développement du cerveau. Des phénomènes de ce type existent aussi dans notre espèce. La dépression maternelle est un facteur de risque chez l’enfant que la mère a porté, via des processus épigénétiques qui ont touché le fœtus. La maltraitance chez l’enfant est également un facteur de risque pour la dépression, via des phénomènes de méthylation qui touchent des gènes liés à la réponse au stress. De plus en plus de données permettent de relier des troubles psychiatriques (en particulier la schizophrénie) à des dérégulations épigénétiques, elles-mêmes liées à des événements de la vie au cours du développement prénatal et (ou) postnatal.

Enfin, on sait que certaines modifications épigénétiques acquises au cours de l’existence d’un individu peuvent être transmises à sa descendance, y compris à la seconde génération. On parle d’effets intergénérationnels. Dans ce domaine, on pense qu’on en saura beaucoup plus d’ici à quelques années, mais n’allons pas croire que l’épigénétique permettra de tout expliquer.

Il ne fait aucun doute que des relations entre gènes et développement psychologique existent, mais le modèle causal est complexe. Nos comportements dépendent de nos gènes et des environnements dans lesquels nous vivons et aussi, dans une certaine mesure, des environnements dans lesquels nos parents et grands-parents ont vécu. Les choses s’avèrent d’autant plus compliquées que les gènes ne sont pas tous également réactifs aux effets des variations de l’environnement. Tout modèle explicatif dans ce domaine doit donc être probabiliste, ce qui rend très difficile la prédiction au niveau individuel.

— Michèle CARLIER

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  • : professeure émérite de psychologie, université d'Aix-Marseille

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