ASSE GENEVIÈVE (1923-2021)
Peintre et graveuse née le 24 janvier 1923 à Vannes, Geneviève Asse (de son vrai nom Geneviève Bodin) s’est éteinte le 11 août 2021 à Paris. Artiste plutôt discrète, elle n’a connu la notoriété qu’assez tardivement, avec des expositions au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (1988-89), au Centre Georges-Pompidou, à l’occasion d’une importante donation (2013), et enfin au musée des Beaux-Arts de Lyon (2015). Peintre, mais aussi dessinatrice et graveuse, elle a mené de façon parallèle ces différentes activités ; farouchement indépendante, elle a fait son chemin sans trop se soucier d’appartenir à une école, ce qui explique pourquoi son travail n’a pas été reconnu suffisamment tôt.
Très active durant la Seconde Guerre mondiale, elle entre dans la Résistance et s’engage en 1944-1945 sur le front comme volontaire après un stage de conductrice ambulancière qui la mènera jusqu’en Allemagne. Elle participera également à l’évacuation du camp de concentration de Theresienstadt, dans l’actuelle Tchéquie. Après ses études à l’École nationale des arts décoratifs à Paris, elle se consacre à la nature morte avec comme source d’inspiration Chardin, Cézanne et Braque ; elle peint alors des œuvres très sobres, des objets de sa vie quotidienne. Sa première exposition personnelle a lieu en 1954. Elle s’oriente ensuite vers l’art abstrait après un long cheminement, lorsque les objets représentés deviennent indistincts. Significativement, beaucoup de toiles de cette époque sont simplement nommées Composition. C’est par le blanc ‒ ou plutôt les blancs ‒ qui peu à peu envahit ses toiles, estompe les volumes et finit par dissoudre les objets, qu’elle s’éloigne de la figuration. Une œuvre de transition, significative, est son Hommage à Turner, de 1963. Puis c’est le bleu qui vient prendre la relève, au point de lui avoir donné son nom, le « bleu Asse », suivant une suggestion d’Hector Bianciotti, et qui est restée, ce dont peu d’artistes peuvent se prévaloir.
Qu’est-ce que ce bleu Asse ? Il est bien difficile à définir. À la différence d’Yves Klein, il ne s’agit pas d’un bleu saturé ni surtout immuable. Car ce sont surtout les multiples nuances qui comptent, et font que tout en étant chaque fois différent, il reste cependant reconnaissable : « C’est un bleu qui contient une sorte d’humidité, de gris aussi, un mélange entre du cobalt et de l’outremer, une petite pointe de noir, de blanc… » (« Jours et nuits de Geneviève Asse », le-beau-vice.blogspot.com)
D’où vient un tel bleu ? La question pourrait paraître déplacée. Car pourquoi faudrait-il qu’il ait une origine iconique ? Geneviève Asse fait partie des artistes pour qui la nature a toujours été une source d’inspiration. Dans de petits carnets qui ne la quittaient pas, elle consignait tout ce qu’elle voyait autour d’elle : fleurs, plantes, même les mauvaises herbes. Aussi n’est-il pas étonnant qu’elle ait commencé par peindre des natures mortes. Que cette contemplation de la nature soit une source, elle en convient volontiers : « Dans mon enfance, j’ai observé beaucoup la nature et peut-être que j’ai pris cette nourriture-là » (M. Bodet, « Portrait de G. Asse », journal télévisé Rennes soir, 2004). Le terme de nourriture est tout à fait significatif. Nombreux sont les artistes qui se sont en effet opposés à l’art abstrait où ils voyaient une perte de contact avec la réalité qui est pour eux un moteur. Aussi, le bleu a-t-il sûrement à voir avec sa région bretonne, même si Geneviève Asse a aussi admiré de beaux bleus en Grèce. Après tout, Yves Klein liait aussi son goût du bleu au ciel de Nice. À vrai dire, cette symbolique du bleu comme lié au ciel est ancienne dans la peinture et, il faut bien en convenir, assez banale : on la trouvait déjà dans le bleu des vêtements de la Vierge[...]
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Écrit par
- Georges ROQUE : docteur en histoire de l'art, directeur de recherche honoraire au CNRS
Classification
Média