GÉNIE CIVIL
Des ouvrages singuliers et complexes
Chaque ouvrage du génie civil est singulier, puisque chaque site est particulier par sa géographie, son environnement socio-économique et naturel, et les fonctions qu'il doit assurer. Certaines structures peuvent se ressembler, mais elles ne sont jamais identiques, chacune ayant sa signature propre.
Les ouvrages du génie civil sont également complexes. La complexité se distingue de la complication en ce qu'elle implique une notion d'incertitude. Un ensemble compliqué peut être décomposé en éléments interconnectés, chacun d'entre eux étant simple. Un ensemble complexe ne peut pas être décomposé en éléments simples ; il est donc nécessaire de l'aborder globalement, ce qui demande plus d'expérience et un savoir plus vaste. Cela est particulièrement vrai pour les ouvrages qui sont en forte interaction avec la Terre, notamment les tunnels et les barrages : la géologie, l'hydrologie, l'hydrogéologie, la sismique, la sismotectonique, la géotechnique, etc., y jouent un rôle important.
Un tunnel, un grand pont, un barrage sont donc des œuvres uniques, non réplicables. Ils sortent du cadre purement réglementaire applicable aux constructions courantes et en appellent aux « règles de l'art », c'est-à-dire aux bonnes pratiques qui résultent d'un consensus entre les professionnels du métier à un moment déterminé et dans un cadre géographique donné. Cette singularité et cette complexité expliquent la valeur accordée en matière de génie civil à l'expérience : expérience de conception et expérience de réalisation. Le « retour d'expérience » et sa capitalisation sont essentiels pour assurer la pérennité des savoirs et la sécurité des ouvrages.
Les risques encourus
Compte tenu de la dimension de ces ouvrages, du risque qu'ils font courir à la population et aux biens, il est essentiel de comprendre et de contrôler les événements générateurs de risque. On définit le risque comme la projection, dans un espace économique et humain, d'un événement associé à une probabilité d'occurrence. Par exemple, la crue d'un fleuve présente une probabilité d'occurrence d'une année sur cent années (fréquence dite centennale) d'atteindre un certain débit et de noyer une certaine surface – cela constitue l'aléa. Selon que cet événement survient dans une ville ou en zone agricole, les conséquences économiques et humaines sont différentes. En terre agricole, l'impact dépend de l'usage de la terre et de la saison : par exemple, une crue avant les semis n'a pas un impact important.
Le premier risque est de dépasser les coûts et les délais de construction prévus, ou de ne pas atteindre la qualité du service attendu. Les dépassements de coûts et de délais dépendent de la qualité des études préalables et de celle du management du projet. L'augmentation du délai de construction retarde la mise en service de l'ouvrage et, donc, la date à laquelle il va produire la valeur pour laquelle il a été conçu. Cela modifie l'équilibre économique de l'investissement, mais aussi l'équilibre financier, puisque le projet ne peut alors servir à rembourser les premières échéances des emprunts contactés.
Le second risque est la rupture, l'accident. Il peut provoquer des dégâts matériels, mais aussi avoir des conséquences dramatiques, avec morts et blessés. Pour pallier ce risque, les assurances sont obligatoires. Les compagnies d'assurance et de réassurance s'entourent d'experts techniques de très haut niveau. Cependant, compte tenu des enjeux, il serait moralement inacceptable et pénalement erroné de considérer que l'assurance exonère les différents participants de leur responsabilité qui est engagée dans l'acte de bâtir un ouvrage du génie civil.
Causes de[...]
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Écrit par
- Bernard TARDIEU : président-directeur général de Coyne et Bellier, membre de l'Académie des technologies, vice-président de la Commission internationale des grands barrages
Classification
Médias
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