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GENLIS STÉPHANIE DU CREST DE SAINT-AUBIN comtesse de (1746-1830)

Ses Mémoires sont souvent cités, mais on ignore à peu près l'abondante production dramatique, romanesque et pédagogique de Mme de Genlis. Sans doute est-elle surtout intéressante par sa vie qui fut longue et remplie d'événements. Née et élevée au château de Saint-Aubin, en Bourgogne, elle est chanoinesse à l'âge de sept ans, et, dès son plus jeune âge, lit la Clélie, joue du clavecin, compose des romans et des comédies. Très tôt aussi, elle apprend à danser et à manier les armes. On peut sans doute expliquer certaines bizarreries de son caractère par celles de son éducation : un mélange de plaisirs profanes et de pieuses actions, de laisser-aller moral et d'orgueil aristocratique. Elle vient à Paris à l'âge de douze ans avec sa mère. Les deux femmes, bientôt ruinées, sont recueillies par un protecteur. La jeune fille, qui a d'excellentes dispositions pour la musique, apprend à jouer de divers instruments. Le comte de Genlis l'épouse par amour, et, bien que le mariage soit d'abord secret, il fait pourtant scandale et brouille le comte avec toute sa famille. La jeune femme rencontre des hommes de lettres, mais déteste les philosophes et notamment Voltaire. Elle se lie avec Gluck, Buffon ; elle voyage ; elle devient la maîtresse du duc de Chartres (qui deviendra duc d'Orléans, le futur Philippe Égalité), mène une vie mondaine, compose les comédies de son Théâtre de société. Puis, à l'âge de trente et un ans, elle renonce à l'opéra, au bal, au rouge, et décide de se consacrer à sa carrière de pédagogue. Elle publie plusieurs volumes de son Théâtre d'éducation et devient « gouverneur » (sic) des fils du duc de Chartres (parmi lesquels le futur roi Louis-Philippe dont l'adolescence lui devra beaucoup). Dans Adèle et Théodore, elle livre ses principes d'éducation, se montrant très violente contre philosophes et encyclopédistes. Les Veillées du château (1784) sont un cours de morale à l'usage des enfants, qui comporte des attaques contre Voltaire, Fontenelle, Marmontel... En 1787, elle publie un livre de piété, La Religion considérée comme l'unique base du bonheur et de la véritable philosophie et des Pièces tirées de l'Écriture sainte.

Cependant, lorsque la Révolution survient, elle s'enthousiasme d'abord pour les idées nouvelles et les principes démocratiques, participe activement aux journées révolutionnaires, fréquente assidûment le club des Jacobins. Elle ne se détourne de la Révolution que lorsque la cause du duc d'Orléans est perdue. Elle est d'ailleurs dans une position difficile, à la fois dénoncée comme « jacobine » par les aristocrates et suspecte à Paris comme « orléaniste ». Proscrite de France comme émigrée, elle mène une vie errante en Suisse, en Hollande, en Allemagne, et commence à vivre de sa plume. Elle revient en France sous Bonaparte dont elle obtient divers avantages, car il voulait tirer profit de la connaissance qu'elle avait des personnes et des choses de la cour de Louis XVI. Elle lui prodigue des adulations sans mesure. On a même pensé qu'elle s'est assurée la protection officielle par des services rendus à la police secrète. Elle manifeste une violente hostilité contre Mme de Staël et l'attaque dans son ouvrage De l'influence des femmes sur la littérature. Elle s'associe à la rédaction de recueils périodiques tels que La Bibliothèque des romans, Le Mercure de France, et, après la Restauration, revient au métier de compilateur. C'est une grande travailleuse, encore à la tâche lorsque la mort la surprend.

— Denise BRAHIMI

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, professeure agrégée des Universités (littérature comparée), université de Paris-VII-Denis-Diderot

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