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ARMÉNIENS GÉNOCIDE DES

Parmi les innombrables violences observées durant la Première Guerre mondiale, l'extermination des Arméniens constitue l'épisode le plus sanglant touchant des populations civiles : près d'un million cinq cent mille personnes perdent la vie en 1915-1916, dans des conditions effroyables, victimes du régime jeune-turc. Le contexte de guerre – la Turquie est entrée dans le conflit aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie en novembre 1914 – crée les conditions propices à un tel déchaînement de violence et permet de légitimer des mesures inconcevables en temps de paix. Entre avril et septembre 1915, un terroir arménien vieux de trois mille ans – les provinces arméniennes de l'est de l 'Asie Mineure – a été méthodiquement vidé de sa population, rayé de la carte en l'espace de quelques mois. Fortement influencé par une Europe où montent en puissance les mouvements nationalistes extrêmes, le Comité jeune-turc a été le premier parti nationaliste à accéder au pouvoir et à concevoir et exécuter un programme génocidaire contre une partie de sa propre population préalablement exclue du corps social comme « ennemi intérieur ». Cette destruction a été conçue comme une condition nécessaire à la construction de l'État-nation turc.

Durant des décennies, ce crime n'a fait l'objet d'aucune étude historique digne de ce nom, mais a, en revanche, engendré une vaste littérature du témoignage, presque exclusivement publiée en arménien. Ce corpus donne à voir l'expérience individuelle et collective des victimes, mais est inexorablement resté confiné au monde arménien. Ces matériaux n'ont acquis tout leur sens qu'après l'exhumation d' archives allemandes et austro-hongroises (États alliés de la Turquie), américaines (pays neutre au moment des faits) et des dossiers d'instruction préparés après l'Armistice de Moudros qui a mis fin à la guerre avec l'Empire ottoman. Documents officiels, lois de déportation et de confiscation des « biens abandonnés », statistiques, auditions d'officiers supérieurs, ordres télégraphiques chiffrés, archives de cours martiales des années 1915-1916 constituent un ensemble inestimable pour documenter les procédures d'extermination. Nous restons en revanche encore tributaires des mémoires de quelques cadres dirigeants du parti jeune-turc (Comité Union et Progrès = C.U.P.) et de son extension paramilitaire, l'Organisation spéciale, chargée de l'exécution du programme génocidaire, pour la connaissance du processus de prise de décision, l'accès aux archives de ces institutions restant toujours fermées de fait à toute investigation. Seuls quelques documents émanant du Comité central jeune-turc et de l'Organisation spéciale, sont, à ce jour, connus. Les premiers travaux d'historiens remontent aux années 1980. Après avoir longtemps occulté les faits, la Turquie admet aujourd'hui officiellement qu'il y a eu ce qu'elle appelle des massacres, se refusant à reconnaître leur nature génocidaire. Les sympathies suscitées par l'ennemi russe chez les indépendantistes arméniens expliqueraient selon elle ces représailles commises dans l' Est anatolien proche du front oriental, les communautés arméniennes situées en dehors de ces zones – en particulier celles de Smyrne et d'Istanbul –, n'auraient d'ailleurs pas été inquiétées, et l'accusation de génocide ne serait qu'une invention aujourd'hui propagée par les lobbys de la diaspora arménienne pour nuire à l'image de la Turquie dans le monde.

Cette position est moins entamée par les multiples reconnaissances officielles du génocide arménien émanant de Parlements ou de gouvernements étrangers, rarement dénuées d'arrière-pensées politiques, que par le consensus des[...]

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Écrit par

  • : docteur et HPR en histoire, directeur de la bibliothèque Nubar, professeur associé à l'institut français de géopolitique de l'université Paris VIII

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Génocide des Arméniens, 1915 - crédits : Armenian National Institute

Génocide des Arméniens, 1915

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