ARMÉNIENS GÉNOCIDE DES
Le procès des criminels
Lorsque le Patriarcat arménien a été rétabli, après l'armistice de Moudros, un Bureau d'information (Déghégadou Tivan), a été créé pour collecter des éléments en vue d'un procès.
La création d'une commission d'enquête administrative, la commission Mazhar, au sein du Bureau de la sûreté générale, par décret impérial du 21 novembre 1918, puis le mois suivant des cours martiales chargées de juger les criminels jeunes-turcs, entraîna l'instruction de nombreux dossiers. Dès sa formation, la commission Mazhar entreprit de recueillir des éléments et des témoignages en concentrant plus particulièrement ses investigations sur les fonctionnaires de l'État impliqués dans les crimes commis contre les populations arméniennes. Elle avait une capacité d'action assez étendue puisqu'elle pouvait assigner en justice, rechercher et saisir des documents, mais aussi faire arrêter et emprisonner des suspects en utilisant les services de la police judiciaire, voire d'autres services de l'État. D'emblée Hasan Mazhar adressa une circulaire officielle aux préfets et sous-préfets des provinces pour que les originaux ou des copies certifiées conformes des ordres reçus par les autorités locales concernant la déportation et le massacre des Arméniens lui soient remis. La Commission procéda également à l'interrogatoire sous serment de témoins. En un peu moins de trois mois, elle alimenta cent trente dossiers d'instruction, qu'elle transmit progressivement à la Cour martiale.
Les réactions observées dans la presse stambouliote lors des procès des criminels jeunes-turcs montrent que l'immense majorité de la population ne considérait pas ces actes comme des crimes passibles de sanctions. Il apparaît d'autre part que la cour martiale était avant tout soucieuse de faire porter la responsabilité des crimes commis sur un petit groupe d'hommes en fuite pour mieux exonérer l'État ottoman et donner une certaine « virginité » à la Turquie qui s'apprêtait à signer un traité de paix avec les vainqueurs de la guerre.
Il faut enfin rappeler les préparatifs menés principalement par les gouvernements britannique et français, largement méconnus par l'historiographie occidentale, pour traduire devant un « Haut tribunal » international les criminels jeunes-turcs. Les catégorisations juridiques élaborées par la commission des Responsabilités et ses sous-commissions, siégeant dans le cadre de la Conférence des préliminaires de paix, dès février 1919, si elles n'ont jamais été mises en œuvre pour punir les bourreaux jeunes-turcs des Arméniens, ont en revanche directement inspiré la Convention sur la prévention et la sanction des génocides adoptée par l'O.N.U. en 1948 et l'un de ses principaux auteurs, Raphaël Lemkin.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Raymond KÉVORKIAN : docteur et HPR en histoire, directeur de la bibliothèque Nubar, professeur associé à l'institut français de géopolitique de l'université Paris VIII
Classification
Média
Autres références
-
ARMÉNIE
- Écrit par Jean-Pierre ALEM , Françoise ARDILLIER-CARRAS , Christophe CHICLET , Sirarpie DER NERSESSIAN , Encyclopædia Universalis , Kegham FENERDJIAN , Marguerite LEUWERS-HALADJIAN et Kegham TOROSSIAN
- 23 765 mots
- 13 médias
...Arméniens, les dirigeants jeunes-turcs, Enver, Talaat et Djemal, décident de déporter l'ensemble de la population arménienne dans les déserts de Mésopotamie. Le génocide commence le 24 avril 1915 avec l'arrestation et l'assassinat de 600 notables arméniens à Constantinople. Les soldats arméniens sous l'uniforme... -
FRANCE - L'année politique 2011
- Écrit par Nicolas TENZER
- 4 649 mots
- 3 médias
...dont une partie des objectifs ont été perçus comme relevant de la politique intérieure (notamment les gestes en direction de la communauté arménienne). Le 22 décembre, le vote par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi pénalisant la négation des génocides, y compris le génocide arménien qu'Ankara... -
LEWIS BERNARD (1916-2018)
- Écrit par Pascal BURESI
- 1 264 mots
Historien américain du monde musulman et du Proche-Orient, Bernard Lewis était un intellectuel controversé. Né à Londres le 31 mai 1916 dans une famille juive britannique, Bernard Lewis se découvre une passion pour les langues du Proche-Orient au moment où il est confronté à l’hébreu biblique...
-
OTTOMAN EMPIRE
- Écrit par François GEORGEON et Robert MANTRAN
- 9 905 mots
- 19 médias
...Dardanelles (mars-avril 1915) qui menace Istanbul, cependant qu’à l’est le C.U.P. entreprend le déplacement massif et brutal de la population arménienne, qui débouche sur un génocide au cours duquel 50 à 60 p. 100 des Arméniens disparaissent. Malgré quelques succès militaires et le soulagement apporté par la...