- 1. La guerre du FPR et la campagne de haine
- 2. Le déclenchement du génocide
- 3. L'organisation du « travail »
- 4. La participation populaire
- 5. La RTLM ou l'état-major de la parole
- 6. Une « guerre » pour toute justification
- 7. L'opération Turquoise ou les ambiguïtés d'une opération militaro-humanitaire
- 8. La justice à l'épreuve
- 9. Bibliographie
TUTSI GÉNOCIDE DES
Les massacres de masse dirigés en 1994 contre la population tutsi du Rwanda constituent le troisième cas de génocide reconnu officiellement par la communauté internationale, après ceux commis contre les Arméniens et contre les Juifs. En l'espace d'à peine trois mois, du 7 avril à la fin du mois de juin, environ un million de Tutsi furent éliminés pour ce qu'ils étaient, dans des souffrances effroyables. En kinyarwanda, cet événement est appelé Itsembabwoko. En même temps que les Tutsi, de nombreux Hutu soupçonnés de ne pas adhérer au projet furent tués. Plusieurs facteurs expliquent la terrible efficacité de cette entreprise. Pour commencer, il faut rappeler la campagne médiatique qui, pendant trois ans environ, a fait du Tutsi un ennemi mortel, invitant au fichage, à la chasse aux « infiltrés » Tutsi qui ont dissimulé leur identité ethnique pour mieux dominer et détruire le peuple Hutu. Il faut ajouter la mémoire de la violence ethnique et prédatrice qui a accompagné le processus révolutionnaire et qui a marqué les premières années de la République (1959-1964). Il convient en outre de souligner la détermination des planificateurs qui s'étaient emparés de l'État et ont mis sans réserve ses moyens et ses forces au service d'une entreprise d'extermination, ainsi que la participation populaire massive à l'extermination et du recours à des armes disponibles et faciles d'utilisation. Enfin il faut évoquer l'indifférence ou les intérêts calculés des instances qui avaient les moyens de s'y opposer : le Conseil de sécurité des Nations unies et certains de ses États impliqués au Rwanda, en particulier la France et, dans une moindre mesure, la Belgique.
Le monde peine à reconnaître et à juger toutes les responsabilités dans ce génocide qu'il a pourtant officiellement reconnu, ce qui donne libre cours au négationnisme. Néanmoins, ce génocide commis en plein essor de la société de l'information et des cultes mémoriels est, par opposition à ceux qui l'ont précédé, celui qui a été le plus rapidement documenté. Les témoignages recueillis par les associations humanitaires, par les journalistes et les cinéastes, les enquêtes diligentées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ainsi que par les tribunaux rwandais, enfin les récits des survivants, permettent, relativement peu d'années après les faits, de reconstituer le fil des événements, d'en démonter les mécanismes.
La guerre du FPR et la campagne de haine
Le 1er octobre 1990, les exilés et fils d'exilés tutsi de la décennie 1960-1970, rassemblés dans le Front patriotique rwandais (FPR), lancent une attaque contre le Rwanda depuis la frontière ougandaise au nord. Ils cherchent à recouvrer par la force le droit au retour dans la patrie que le gouvernement de Kigali leur refuse. Dès le déclenchement de cette guerre, une idée se forme et nourrit une constante campagne : celle d'un « problème tutsi » à résoudre. Un hebdomadaire, Kangura, consacra ses pages, de 1990 à 1994, à cette campagne contre les Tutsi accusés de subvertir la République, d'avoir repris le pouvoir politique et économique malgré les apparences et de préparer l'extermination des Hutu et l'asservissement de ceux qui survivront, selon la technique bien connue de l'accusation en miroir. Dans son numéro 6 de décembre 1990, le journal publiait les « Dix commandements des Bahutu ». Ce texte recommandait de mettre les Tutsi à l'écart, de ne pas s'associer à eux dans les affaires, de ne pas épouser leurs filles, de les exclure de la fonction publique et de l'armée. En novembre 1991, le journal posait cette question : « Quelles sont les armes que nous utiliserons pour vaincre définitivement les Inyenzi ? » Placée sous cette phrase, la photo d'une machette posée à côté de[...]
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Écrit par
- Marcel KABANDA : consultant à l'U.N.E.S.C.O.
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Média
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