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TUTSI GÉNOCIDE DES

Le déclenchement du génocide

Le 6 avril 1994 au soir, le président Habyarimana est tué dans un attentat contre l'avion qui le ramène d'une réunion en Tanzanie. On ne connaît pas encore aujourd'hui les auteurs de l'attentat. Deux thèses sont formulées. Pour les uns, l'avion aurait été abattu par les soldats du FPR. Pour d'autres, le président Habyarimana aurait été assassiné par les extrémistes de son propre camp, qui lui reprochaient d'avoir accordé au FPR d'inacceptables concessions.

La disparition d'un homme qui incarne depuis vingt et un ans le pouvoir absolu laisse un vide politique. Dans un premier temps, la Minuar envisage de reconstruire l'autorité du gouvernement en s'appuyant sur son Premier ministre, Agathe Uwilingiyimana. Mais celle-ci est assassinée le matin du 7 avril avec son mari par des éléments de la garde présidentielle alors qu'elle s'apprête à lancer à la radio un appel à l'apaisement. En guise d'avertissement pour l'ONU, les dix casques bleus belges affectés à son escorte sont conduits au camp militaire de Kigali et massacrés par des soldats de l'armée. En même temps que le Premier ministre, les leaders de l'opposition politique et autres personnalités hutu démocrates sont éliminés dans la journée ou les jours suivants. Le Rwanda bascule dans la violence et toutes les voix qui auraient pu s'y opposer, organiser une résistance sont éteintes.

Pris de panique, les Occidentaux expatriés décident d'abandonner le Rwanda. La France et la Belgique déclenchent leur évacuation via deux opérations militaires : Amaryllis pour la France et Silverback pour la Belgique. L'épisode emblématique de ces opérations est le départ du contingent belge de la Minuar de son cantonnement, l'école technique de Kicukiro, dans la banlieue sud de Kigali. Des milliers de Tutsi s'y étaient réfugiés dans l'espoir que les casques bleus les protégeraient du massacre en faisant au besoin usage de leurs armes. Le 11 avril 1994, des camions vinrent chercher les soldats pour les amener à l'aéroport. Ils durent tirer en l'air pour écarter des camions les grappes humaines qui s'y cramponnaient. Aussitôt après le départ des soldats, les miliciens Interahamwe investirent le site, firent sortir tous les réfugiés et les conduisirent en les frappant vers le lieu d'exécution, à quelques kilomètres de là, à Nyanza.

L'autre catégorie d'expatriés dont l'évacuation a traumatisé les Rwandais persécutés est celle des missionnaires, qui vivaient pour la plupart au milieu de la population depuis de nombreuses années. Dès qu'elles commencèrent à se sentir en insécurité, les familles proches des presbytères s'y réfugièrent. Dans de nombreux cas cependant, les missionnaires acceptèrent de se faire évacuer. Pour sauver leurs enfants d'une mort qu'elles sentaient imminente, les mères supplièrent les religieux qui partaient d'emmener avec eux leurs enfants. Elles essuyèrent un refus. La propagande ironisera sur les Tutsi abandonnés par tous, y compris par Dieu. Les victimes ont vécu l'évacuation des étrangers et surtout le départ des casques bleus comme une trahison, tandis que les tueurs ont interprété cet abandon comme un « laisser-faire ». Selon le témoignage du général Dallaire, les unités belges et françaises dépêchées sur Kigali dès le 9 avril pour rapatrier les ressortissants étrangers étaient des plus aguerries et très bien équipées. Il s'est donc trouvé au Rwanda en ce tout début du processus génocidaire une force qui aurait pu enrayer, voire stopper, la violence. Cinq jours après le rapatriement des étrangers et des diplomates, le Conseil de sécurité des Nations unies décide d'alléger drastiquement le dispositif de la Minuar pour ne laisser sur place que 270 casques bleus.[...]

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Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

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