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TUTSI GÉNOCIDE DES

L'organisation du « travail »

Sous l'impulsion des militaires, les partis politiques se concertent dès le 7 avril et mettent en place le lendemain à l'ambassade de France ce que l'on a appelé le gouvernement intérimaire rwandais (GIR). Théodore Sindikubwabo, président du Conseil national pour le développement, est nommé président de la République. Ce membre du MRND est aussi l'un des anciens leaders de la révolution sociale rwandaise. Le poste de Premier ministre échoit à Jean Kambanda, jeune cadre des banques populaires, un des membres influents de l'aile dure du MDR. Il est notamment très proche d'un autre membre du MDR, promoteur du Hutu Power, Frodouard Karamira. Le GIR s'assigne comme mission de « sauver la République ». À son procès à Arusha, il reconnaîtra que la mission de son gouvernement était l'extermination des Tutsi.

Aussitôt formé, le gouvernement réunit les préfets et les bourgmestres le 11 avril à Kigali, puis ses membres se déplacent dans tout le pays pour rencontrer administrations et populations locales. Ils multiplient des discours de mobilisation à l'adresse des civils, pour qu'ils prennent en main la sécurité du territoire contre un ennemi censé être partout. Le plus connu de ces discours est celui qui fut prononcé par le président Sindikubwabo à Butare le 19 avril et qui fut diffusé sur l'antenne de Radio Rwanda le 22 avril 1994. L'orateur invite le peuple au « travail », fustige les mous et les hypocrites qui laissent aux autres la mission de défendre la République. Il demande qu'on en débarrasse le pays. Aussitôt après son discours, le préfet de Butare est démis de ses fonctions, remplacé et assassiné. Partout, les collaborateurs hésitants sont évincés et remplacés par des extrémistes. En mai, le GIR prend un décret d'organisation de l'« autodéfense civile » qui fait obligation aux autorités territoriales de lever dans leurs secteurs des armées de jeunes. Pour leur encadrement, le GIR appelle les officiers à la retraite à reprendre du service.

Sur le terrain, l'encadrement revient aux responsables de l'administration locale : les préfets, les bourgmestres et les conseillers de secteurs. En compagnie des policiers communaux, les bourgmestres font la tournée des secteurs dont ils ont la charge, tiennent des réunions dont les Tutsi sont exclus. Ce sont encore les bourgmestres qui mettent à disposition les locaux de la commune où sont rassemblés les fugitifs tutsi avant d'être massacrés. Et quand cela est nécessaire, ce sont eux qui mettent à la disposition des tueurs des véhicules et le carburant, sollicitent et obtiennent, sous le prétexte d'assurer la sécurité des fugitifs, l'intervention des gendarmes qui en fin de compte s'associent aux tueurs, quand ils ne sont pas les premiers à ouvrir le feu. En outre, à condition de respecter le mot d'ordre « Tuez-les tous », tout homme jouissant d'un quelconque prestige lié à sa position dans la société, un riche commerçant, un militaire à la retraite, un milicien possédant une arme, peut s'improviser meneur d'hommes. Cette décentralisation de l'ordre criminel va jusqu'au niveau de l'administration de la mort. Chacun avait le choix de frapper ou de rester tranquillement derrière ses collègues. C'est le groupe qui décide. Ce sont les tueurs eux-mêmes qui décident du traitement à infliger aux femmes avant de leur donner la mort. Ils peuvent les tuer tout de suite, ou bien commencer par les mutiler ou par les violer, pendant des jours ou des semaines. Ils peuvent couper les doigts, sectionner les tendons et laisser les victimes mourir d'hémorragie, les assommer avec des massues cloutées, les découper à la machette ou les jeter vivantes dans des latrines. Dans certains cas, des mères sont égorgées devant leurs enfants. Dans d'autres, elles sont contraintes d'assister au massacre de leurs petits avant d'être tuées à leur[...]

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Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

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