- 1. La guerre du FPR et la campagne de haine
- 2. Le déclenchement du génocide
- 3. L'organisation du « travail »
- 4. La participation populaire
- 5. La RTLM ou l'état-major de la parole
- 6. Une « guerre » pour toute justification
- 7. L'opération Turquoise ou les ambiguïtés d'une opération militaro-humanitaire
- 8. La justice à l'épreuve
- 9. Bibliographie
TUTSI GÉNOCIDE DES
La justice à l'épreuve
La reconnaissance du génocide des Tutsi par la communauté internationale est intervenue seulement quatre mois après les faits. Dès le 9 novembre 1994 en effet, suivant les recommandations du rapporteur spécial du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme, le professeur ivoirien Degni Segui, le Conseil de sécurité de l'ONU crée un Tribunal international pour le Rwanda (TPIR), chargé de rechercher et de juger les principaux responsables du génocide des Tutsi et des crimes contre l'humanité commis sur le territoire du Rwanda entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Basée à Arusha en Tanzanie, cette juridiction a jugé en quatorze ans une trentaine d'accusés. Alors qu'elle est censée clore ses travaux en fin 2008, elle est l'objet de multiples critiques. Les rescapés sont déçus, dénoncent la lenteur des procédures, s'interrogent sur la rigueur des enquêtes qui ont abouti à l'acquittement d'hommes sur lesquels pesaient de lourds soupçons. Par ailleurs, ils estiment que le TPIR n'a pas rempli sa mission : il reste une soixantaine de prisonniers à juger, dont nombre de hautes personnalités politiques et de grands chefs militaires ; plusieurs suspects importants sont en fuite à l'étranger, implicitement protégés par les pays qui les ont accueillis. Enfin, ils regrettent que rien n'ait été fait en ce qui concerne le droit à indemnisation des victimes.
La stratégie d'achèvement des travaux du TPIR prévoyait de remettre au Rwanda les dossiers pendants. Mais, devant le tollé des associations de défense des droits de l'homme et des avocats des accusés, les juges d'Arusha hésitent, arguant que la garantie d'équité des juridictions rwandaises n'est pas établie. Hormis le Rwanda, les États nationaux n'ont jamais manifesté d'empressement à poursuivre les suspects qui sont sur leur sol. Bien au contraire, les procédures du juge français Jean-Louis Bruguière et de son collègue espagnol Fernando Andreu Merelles semblent indiquer que certains sont tentés par des enquêtes visant les soldats du FPR, comme s'il fallait répondre aux reproches de partialité que les accusés ont souvent faits au TPIR ou donner raison à ceux qui pensent que l'équilibrage des crimes est une condition à la réconciliation.
Le bilan de la justice nationale rwandaise frappe par l'effort constant du législateur d'imaginer des solutions en vue de venir à bout de l'incroyable disproportion entre les défis et les ressources. Bien avant qu'elle ne gagne la guerre, la rébellion avait promis aux victimes et au monde que les bourreaux seraient jugés. Au fur et à mesure qu'elle a conquis du terrain, elle a procédé aux arrestations des suspects, les empêchant de fuir, de perpétrer de nouveaux crimes, de détruire les preuves de leurs forfaits, mais aussi les mettant à l'abri d'éventuels actes de vengeance. Très vite, les capacités des prisons et des structures judiciaires ont été dépassées. Alors qu'on misait sur la justice pour reconstruire la société, il apparut bien vite qu'elle était dans l'incapacité de remplir sa fonction : la quasi-totalité de son personnel avait été tuée ou avait pris la fuite. Il a fallu former les enquêteurs et les magistrats, mais aussi, parallèlement, faire évoluer l'institution et le Code pénal. C'est ainsi que fut adoptée la loi sur la catégorisation des peines et sur l'aveu en échange d'une réduction des peines. Il a aussi fallu inventer des solutions pour juger la quantité considérable de détenus. C'est ainsi que le Rwanda a réactivé les voies traditionnelles de règlement des conflits, les Gacaca (justice du « gazon », en référence à la pelouse sur laquelle s'asseyaient les sages pour entendre les parties en conflit). Appliquée[...]
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Écrit par
- Marcel KABANDA : consultant à l'U.N.E.S.C.O.
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Média
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