GÉNOME HUMAIN
Fonctions de l’ADN non codant
Les 90 à 95 % restants de l’ADN, à défaut de coder une protéine ou un ARN, sont-ils pour autant dépourvus d’une quelconque fonction biologique ? Pour répondre à cette question, on a examiné les éléments fonctionnels non codants de l’ADN. Ces éléments sont définis comme des séquences qui présentent une signature (en pratique, une courte séquence de nucléotides) caractéristique d'une autre fonction biologique que de coder une protéine. Ce sont, par exemple, les sites de fixation de protéines régulatrices ou de protéines de structure, des replis particuliers de la molécule d'ADN, des sites de modification chimique de l'ADN – importants en épigénétique – des points de contact entre chromosomes et (ou) la membrane nucléaire, etc. La mission d’Encode a été d'identifier ces éléments fonctionnels de l'ADN. Pour ce faire, le projet a établi le répertoire des signatures de fonctionnalité et y a ajouté les séquences des produits d'expression (transcriptomes et protéomes) d'un grand nombre de types cellulaires différents, puis a recherché leur présence dans le génome humain, l'ensemble de ces informations étant traité dans des laboratoires de bio-informatique qui s'appuient sur des applications construites à cette fin.
Une première synthèse des résultats a été publiée en 2012, suivie par des améliorations successives. La carte épigénétique publiée en 2022 met en évidence la localisation des sites de modifications de l’ADN potentiellement impliqués dans les phénomènes épigénétiques. Les résultats obtenus bouleversent la représentation des génomes en montrant que la fraction d'ADN assurant une fonction biologique quelconque est ainsi passée à plus de 80 %. En outre, les 20 % restants se trouvent au voisinage immédiat de ces séquences fonctionnelles et on sait que les effets de la fixation des protéines régulatrices – par exemple sur leur site – se propagent sur une certaine distance dans l’ADN et, de ce fait, peuvent affecter le fonctionnement de plusieurs autres gènes. En d'autres termes, la quasi-totalité de l'ADN génomique possède, ou peut posséder, une fonction biologique. Il faut noter que cette capacité fonctionnelle inclut au moins une partie des séquences répétées dans le génome, traces probables d'éléments génétiques mobiles.
L'analyse identifie en particulier environ 400 000 régions de l’ADN correspondant chacune à un état fonctionnel particulier d'une région d’un chromosome, caractérisé par son expression dans les cellules et au cours du développement. Preuve supplémentaire des fonctions associées à ces régions « non codantes », de nombreuses variations individuelles de la séquence d'ADN localisées dans ces régions fonctionnelles se trouvent statistiquement liées à une prédisposition génétique à diverses maladies. Enfin, des pertes plutôt que des gains peuvent faire sens. Dans le cadre du Zoonomia Project, lancé en 2015, la comparaison de la séquence d'ADN humain avec ceux de 240 autres mammifères, dont des primates, a démontré qu’une région longue de 10 000 nucléotides contenant des éléments fonctionnels est absente de l’ADN de tous les humains étudiés, mais présente chez tous les autres mammifères. Or cette région est située au voisinage de gènes importants pour les fonctions cognitives, et peut être assimilée à une sorte d’interrupteur pour les gènes adjacents. On peut ainsi avancer que la perte de certains éléments fonctionnels chez l’homme a été fortement sélectionnée, ce qui leur attribue un rôle dans la spéciation de l’espèce humaine.
Ces résultats n’excluent pas la présence de séquences d’ADN dépourvues de toute fonction biologique, mais l’ADN génomique apparaît désormais plutôt comme une somme de signaux moléculaires. Ce[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média
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