Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GÉNOME NÉANDERTALIEN

Paléoanthropologues et biologistes de l'évolution humaine ont assisté en 2010 au déchiffrage d'une partie du génome néandertalien. Cette lignée humaine, qui a peuplé l'Asie de l'Ouest et l'Europe pendant 400 000 ans, a disparu il y a environ 30 000 ans. Elle est considérée comme la plus proche de la lignée de l'Homme moderne, seul survivant de toutes les espèces humaines ayant existé. Mais on estimait que les Néandertaliens n'avaient pas significativement contribué à la diversité génétique des Hommes modernes. L'équipe internationale dirigée par Svante Pääbo de l'Institut Max-Planck (M.P.I.) de Leipzig (Allemagne) a réussi le tour de force technique de rassembler en un génome unique des fragments d'ADN extraits d'ossements appartenant à trois Néandertaliens de la grotte de Vindija (Croatie) et datant de 33 000 et 44 500 ans. La comparaison de ce génome avec ceux d'Hommes actuels de diverses origines, permet d'identifier des gènes susceptibles d'être responsables de certaines différences morphologiques et cognitives entre Homme actuel et Néandertalien, mais implique également des échanges génétiques entre ces deux groupes humains.

Pourquoi une quinzaine de scientifiques s'acharnent-ils pendant des années à une tâche qui semblait, a priori, impossible ? Tout d'abord, ils cherchent à déceler les spécificités biologiques de l'Homme moderne qui nous distinguent des autres primates et de nos ancêtres. La comparaison des génomes de l'Homme moderne avec ceux des primates actuels nous a permis d'identifier les changements survenus au cours des derniers 6,5 millions d'années et ainsi de décrire les particularités de la lignée humaine par rapport aux autres grands singes. La comparaison des génomes de l'Homme moderne avec ceux des Hommes fossiles non modernes devrait nous permettre d'identifier les particularités du premier si ces génomes anciens deviennent accessibles. La comparaison des génomes de l'Homme moderne avec celui de l'Homme de Néandertal, nous permet ainsi d'identifier les changements génétiques survenus et fixés dans le génome humain au cours des derniers 600-300 000 ans, depuis l'ancêtre le plus récent commun aux deux lignées.

L'exploit de l'équipe coordonnée par le M.P.I. a été rendu possible grâce aux progrès impressionnants du séquençage à haut débit permettant de séquencer en une semaine, pour 5 000 dollars, les 3 milliards de nucléotides constituant le génome humain complet alors que le premier séquençage du génome humain publié en 2000, a demandé à un consortium international, de nombreux laboratoires dans plusieurs pays, quinze années de travaux et près de 3 milliards de dollars. Le défi technique lors de l'étude d'ADN ancien se trouve dans sa nature fortement dégradée de sorte que ne restent que des fragments longs pour la plupart de moins de 60 nucléotides (pour rappel, l'ADN chromosomique humain fait plusieurs millions de nucléotides). De plus, la quantité de matériel est si réduite qu'une étape d'amplification de l'ADN ancien est nécessaire. Les méthodes d'amplification sont très puissantes et aussi très sensibles à la contamination avec de l'ADN moderne similaire, ce qui constitue un risque important de production de faux résultats. Enfin, l'ADN ancien est aussi très dilué dans l'ADN de microbes colonisant le matériel étudié : dans les os les mieux conservés, de 95 à 99 p. 100 de l'ADN extrait des os néandertaliens provient de microbes. Ceci rend nécessaire l'enrichissement de l'ADN du fossile, soit par capture sélective de ce dernier, soit par destruction préférentielle de l'ADN microbien. Naturellement, dans cette étude, les deux approches ont été utilisées. Enfin, les molécules d'ADN ancien[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directrice de recherche au CNRS, Institut Jacques Monod, CNRS, université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., responsable de l'équipe Épigénome et paléogénome de l'Institut Jacques-Monod, C.N.R.S., université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux

Classification

Autres références

  • DÉCHIFFRAGE DU GÉNOME NÉANDERTALIEN

    • Écrit par
    • 298 mots
    • 1 média

    Longtemps, les chercheurs travaillant sur l'évolution récente de l'homme n'ont eu à leur disposition que des objets matériels qui se conservent relativement bien : squelettes, constructions, poteries, outils, restes alimentaires, ou encore peintures et gravures. L'accès au patrimoine ...

  • DENISOVA HOMMES DE ou DÉNISOVIENS

    • Écrit par
    • 3 823 mots
    • 4 médias
    ...(toujours en 2010), c'est une partie importante du génome nucléaire (et non pas mitochondrial) de Denisova 3 qui est publiée. L'étude comparative avec le génome d’un Néandertalien composite (c'est-à-dire provenant de trois individus différents) de Vindija (Croatie) et celui de cinq hommes actuels démontre...
  • PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE ou SUSCEPTIBILITÉ GÉNÉTIQUE AUX MALADIES

    • Écrit par
    • 4 264 mots
    • 1 média
    ...groupe de gènes du chromosome 3 multipliait par trois le risque de développer une forme grave de la maladie. Or, ce variant provient de la contribution du génome de notre ancêtre néandertalien au génome de l’Homo sapiens actuel ; il est quasiment absent en Afrique, alors qu’il est présent chez 50 %...
  • PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2022

    • Écrit par
    • 1 885 mots
    • 1 média
    ...(ADNn). En 2010, il publie une première étude comparative de quatre milliards de nucléotides de l’ADNn de trois Néandertaliens de Vindija. 15 à 30 % de leur génome nucléaire est alors déterminé avec fiabilité. Comparé aux parties équivalentes du génome de deux Africains, un Français, un Mélanésien et un Chinois...