GÉNOME NÉANDERTALIEN
Des gènes impliqués dans la cognition propres à l'Homme moderne ?
Les chercheurs du M.P.I. ont cherché ensuite à identifier les caractères spécifiquement humains qui ont fait l'objet d'une sélection positive après la séparation des Néandertaliens et qui conféreraient aux individus les portant un succès reproductif plus important. Ce dernier se manifeste par une réduction de la diversité allélique à cette position ainsi qu'aux positions voisines qui bénéficient d'un effet d'entraînement. L'équipe du M.P.I. a séquencé les génomes de représentants de cinq groupes humains actuels – un Européen, un Chinois Han, un Papou de Nouvelle-Guinée, et deux Africains, un San (Bushman) et un Yoruba (Afrique de l'Ouest) – à titre comparatif. Elle a utilisé ces séquences pour déterminer la diversité allélique des positions qui diffèrent entre un Néandertalien et ces cinq populations d’Hommes actuels. Parmi les deux cents régions ainsi identifiées, il y en avait vingt pour lesquelles l'allèle sélectionné a été fixé sur le nombre de générations le plus faible et donc pour lesquelles la sélection positive a été la plus forte. Cinq de ces régions jouent probablement un rôle régulateur. Au sein des quinze restantes qui contiennent chacune entre un et douze gènes, on trouve des gènes qui ont des fonctions intéressantes et importantes que l'on peut déduire du fait qu'ils sont impliqués dans des pathologies. Cette implication ne signifie pas que les allèles portés par les Néandertaliens ou les Hommes modernes soient responsables de caractères pathologiques, car ces allèles sont différents de ceux impliqués dans les maladies actuelles. Les pathologies nous informent sur la fonction normale de ces gènes. Un des gènes identifiés est impliqué dans le diabète de type II, ce qui montre une évolution du métabolisme dans la lignée humaine. L'analyse a aussi identifié quatre gènes dont le dysfonctionnement est responsable de pathologies cognitives chez l'Homme actuel. Cela indique qu'ils jouent un rôle dans les capacités cognitives et pourraient donc être liés à une augmentation des capacités cognitives de la lignée des Hommes modernes depuis sa divergence avec celle des Néandertaliens. Dans la liste de ces gènes se trouve un gène impliqué dans l'altération des capacités cognitives des individus atteints de mongolisme, deux gènes impliqués dans l'autisme qui peuvent donc affecter les interactions sociales et la communication, un gène impliqué dans la schizophrénie et ses troubles cognitifs. Trouver quatre gènes impliqués dans les capacités cognitives dans une liste de quinze régions génomiques sujettes à sélection positive depuis la divergence avec les Néandertaliens est un taux élevé et suggère donc qu'il y ait eu une base génétique à une différence dans les capacités cognitives des Hommes modernes vis-à-vis de la lignée néandertalienne. Le dernier gène dans cette liste est impliqué dans une pathologie appelée dysplasie cléidocrânienne qui affecte la fermeture des fontanelles, mais aussi la forme de la cage thoracique, de la clavicule et du front, des parties du squelette qui diffèrent entre l'Homme moderne et l'Homme de Néandertal. Est-ce qu'une mutation dans ce gène a été responsable de certains changements morphologiques chez les Hommes modernes ? Les résultats de cette analyse sur la sélection positive des allèles de gènes qui auraient pu conférer des « avantages » à la lignée humaine ayant conduit aux Hommes actuels pourraient constituer le résultat le plus spectaculaire de cette recherche.
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Écrit par
- Eva-Maria GEIGL : directrice de recherche au CNRS, Institut Jacques Monod, CNRS, université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Thierry GRANGE : directeur de recherche au C.N.R.S., responsable de l'équipe Épigénome et paléogénome de l'Institut Jacques-Monod, C.N.R.S., université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Bruno MAUREILLE : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux
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