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GÉNOME NÉANDERTALIEN

Un scénario plus complexe de l'émergence de l'Homme moderne

Ces résultats inattendus sur une éventuelle hybridation des Néandertaliens et des Hommes modernes alimentent avec des données inédites un grand débat en paléoanthropologie. Il s'agit de celui qui concerne la diversité de l'Homme moderne au début du Pléistocène supérieur. Il oppose les partisans de l'hypothèse de l'« Out of Africa » aux partisans de celle de la « multirégionalité ». Selon la première, l'Homme moderne aurait évolué à partir d'une unique petite population africaine il y a environ 200 000 ans qui aurait ensuite migré hors d'Afrique et remplacé toutes les autres populations humaines lors de son expansion. Les données génétiques obtenues à partir de l'ADN mitochondrial et du génome nucléaire sont globalement en faveur de cette hypothèse. Celle opposée de la « multirégionalité » postule une évolution de l'Homme moderne dans plusieurs parties du monde à partir de populations locales non modernes avec un flux génique entre ces populations. La découverte qu'un petit pourcentage du génome néandertalien se trouve dans le génome des Hommes actuels eurasiatiques contredit la version stricte du modèle « out of Africa ». Mais ce pourcentage étant faible, ce n'est pas, non plus, une preuve très robuste contre ce modèle et en faveur du modèle multirégional.

Rappelons que la diversité génétique des Hommes actuels la plus importante se trouve en Afrique du Sud, dans la population San. C'est donc au sein de ses ancêtres que se serait individualisé, il y a environ 200 000 ans, un groupe d'Hommes modernes. Les calculs génétiques, fondés sur la diversité des groupes humains actuels et des Néandertaliens, placent l'ancêtre commun à cette population San et aux autres Hommes actuels environ à mi-chemin de la distance qui nous sépare de l'ancêtre commun avec le Néandertalien. Certains individus de cette population originelle auraient ensuite colonisé l'Afrique, et une sous-population d'Afrique de l'Est aurait migré il y a environ 100 000 ans en Asie du Sud-Ouest puis aurait continué son expansion vers l'Europe et l'Asie du Sud-Est il y a environ 50 000 ans. Mais si l'apport de cette population africaine au patrimoine génétique de l'humanité actuelle paraît clair sur la base des données génétiques modernes actuellement disponibles, les mêmes calculs ne permettent pas de discuter la fraction du génome néandertalien, ou d'autres populations non anatomiquement modernes (comme des Homo erectustardifs), qui aurait participé à ce patrimoine génétique. La connaissance de données génomiques d'Hommes actuels en plus grand nombre, particulièrement en Afrique, ainsi que d'Hommes fossiles est incontournable pour alimenter nos réflexions sur cette partie de l'histoire évolutive de l'humanité.

Quand et où cette hybridation entre Néandertaliens et ancêtres des Hommes modernes aurait-elle eu lieu ? Les archives fossiles n'ont pas fourni de témoins de la présence des Néandertaliens en Asie de l'Est et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'hybridation a donc dû avoir lieu avant la migration des Hommes modernes dans le continent asiatique. La coexistence entre Néandertaliens et Hommes modernes est supposée au Proche et Moyen-Orient il y a 100 000 ans car on y trouve des fossiles, des deux lignées, presque contemporains. Ce serait donc à ce moment et à cet endroit que l'hybridation aurait pu avoir lieu. Elle aurait pu n'affecter qu'un petit nombre d'individus et donc ne pas laisser de « traces » fossiles évidentes, mais ce petit nombre d'individus aurait pu laisser ses traces génétiques jusqu'à maintenant à la suite de l'expansion importante qu'a connue la descendance des premiers migrants hors d'Afrique. Par contre, aucun flux génétique en sens inverse n'a[...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche au CNRS, Institut Jacques Monod, CNRS, université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., responsable de l'équipe Épigénome et paléogénome de l'Institut Jacques-Monod, C.N.R.S., université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux

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