GÉNOMIQUE Génome artificiel
Le 20 mai 2010, des chercheurs du John Craig Venter Institute aux États-Unis ont publié en ligne, sur le site Internet de la revue américaine « Science », un article intitulé « Création d'une cellule bactérienne contrôlée par un génome synthétisé chimiquement ». Il ne s'agit pas de vie ou de cellule synthétique comme on l'a souvent lu dans les médias, mais de la synthèse d'un chromosome bactérien entier par voie chimique – copie exacte de celui de la bactérie « Mycoplasma mycoides » –, de son introduction dans une bactérie d'espèce différente (« Mycoplasma capricolum ») et de la production, à partir de cette chimère génétique initiale, de bactéries dont les constituants sont tous issus du décodage du seul génome artificiel, celui de la bactérie receveuse ayant été détruit. Si cette expérience, qui a pris quinze ans pour aboutir, n'apporte qu'assez peu de chose en biologie fondamentale, elle constitue, en revanche, une prouesse technologique. Potentiellement riche de développements industriels et environnementaux, elle ouvre les portes vers la construction de nouvelles formes de vie tout en suscitant des problèmes éthiques nouveaux.
La synthèse chimique de petits fragments d'ADN
Le support matériel de l'hérédité de tous les organismes vivants est un acide nucléique, l'ADN (acide désoxyribonucléique) dans le cas le plus général. Les gènes, alignés le long de la molécule d'ADN des chromosomes, sont des séquences issues de l'assemblage de quatre bases azotées : l'adénine (A), la cytosine (C), la guanine (G) et la thymine (T). L'ordre dans lequel ces bases (on parle plus volontiers de nucléotides) apparaissent le long de la séquence d'un gène dicte les propriétés de la molécule codée par ce gène. En d'autres termes, synthétiser chimiquement un chromosome bactérien revient à relier, dans un ordre très précis, les quelques millions de nucléotides qui le composent. Dans la nature, l'opération s'effectue par copie d'un brin d'ADN matrice. Une synthèse chimique d'un ADN de cette longueur n'est pas encore envisageable en laboratoire. En revanche, la synthèse chimique de fragments d'ADN beaucoup plus courts s'effectue par additions successives à partir d'un nucléotide initial immobilisé sur un support insoluble. Cette synthèse date de la fin des années 1960. Sa complexité réside dans la succession de réactions chimiques (couplage et déprotection de radicaux actifs), de lavages des produits de synthèse et dans l'optimisation du rendement de chaque étape. La synthèse est effectuée automatiquement dans des appareils appelés synthétiseurs d'ADN. Au milieu des années 1990, ces outils fournissaient en quelques heures des oligonucléotides de 25 à 30 nucléotides. En 2010, ils permettent d'obtenir – encore que difficilement – des oligonucléotides de 150 à 200 nucléotides, lesquels peuvent ensuite être assemblés en fragments plus longs. L'assemblage de ces fragments en séquences de quelques milliers de nucléotides correspond à des chromosomes fonctionnels, comme les 7 741 bases du virus de la poliomyélite, lequel est réalisable depuis 2002.
L'article publié par les chercheurs du John Craig Venter Institute concerne des chromosomes beaucoup plus longs : comment produire in vitro une molécule d'ADN comptant un million de nucléotides ?
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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