GÉNOMIQUE Génomique et cancérologie
La carte d'identité des tumeurs et les tumorothèques
La transformation tumorale est liée à l'accumulation d'altérations génétiques et épigénétiques dont la plupart sont acquises par les cellules tumorales et transmises pardivision cellulaire. Ces altérations confèrent aux cellules des fonctions telles que l'immortalisation, la prolifération autonome et l'inhibition des programmes de mort cellulaire qui, associées aux capacités d'angiogenèse, d'invasion et de migration, sont responsables du développement des tumeurs. Or, les relations fonctionnelles sous-tendant les réseaux qui lient les produits des gènes sont complexes et varient en fonction de la spécialisation cellulaire ; c'est pourquoi des anomalies de nombreux gènes différents peuvent aboutir à des conséquences fonctionnelles identiques.
Le développement de la tumeur se fait en outre dans le contexte d'une instabilité génétique variable d'une tumeur à une autre et d'un moment à un autre de son histoire naturelle. L'analyse détaillée du développement tumoral montre donc l'émergence de sous-clones dont la nature est soumise à des processus de sélection effectués sous la contrainte des relations que la tumeur développe avec l'hôte qui la porte. La carte d'identité tumorale, répertoire de tous les événements génétiques et épigénétiques indispensables au développement d'une tumeur donnée, traduit ces phénomènes biologiques complexes.
L'analyse détaillée des cartes d'identité tumorales montre qu'elles comportent des signatures corrélées aux paramètres histopathologiques, biologiques ou cliniques. Cette constatation fondatrice ouvre deux voies de recherche complémentaires. L'une, fondamentale, veut comprendre quelles sont les lois qui façonnent le répertoire des altérations génétiques et épigénétiques des tumeurs. Cette démarche, qui s'inscrit dans l'analyse de la complexité biologique, réclame une coopération étroite entre biologistes, physiciens et mathématiciens, capables d'aborder les problèmes de la modélisation déterministe et/ou stochastique du fonctionnement cellulaire, sujet qui sort du cadre de cet article. L'autre voie de recherche, clinique, fondée sur l'étude des corrélations entre les signatures génétiques et les annotations cliniques, ouvre sur la définition d'outils diagnostiques personnalisés. Associée à une démarche fonctionnelle, elle joue également un rôle important dans l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques en cancérologie.
Si l'on souhaite définir des corrélations entre les cartes d'identité tumorales et des paramètres histopathologiques ou cliniques, il est nécessaire d'analyser un grand nombre de tumeurs, seule stratégie qui permette de définir des profils types (ou signatures), robustes et de portée générale. On comprend donc toute l'importance des collections de tumeurs, ou tumorothèques, dans la démarche de cartographie tumorale. Ces échantillons n'ont de valeur que s'ils sont stockés de façon à être utilisables par les techniques moléculaires, ce qui, dans l'état actuel des connaissances, nécessite leur congélation à très basse température (si possible au-dessous de — 80 0C). Ils n'ont également d'intérêt que dans la mesure où les informations médicales (âge, sexe, traitement) et biologiques (histopathologie, cytogénétique par exemple) sont associées au traitement. On conçoit donc que, en pratique, les tumorothèques doivent rester dans les hôpitaux et qu'elles soient insérées dans le système d'information hospitalier.
Puisque, de plus en plus, la protéomique tumorale (cf. infra) s'appuie sur l'analyse des sérums pour détecter des anticorps, témoins des réponses immunes à la tumeur, ou des protéines tumorales, il importe[...]
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Écrit par
- Daniel LOUVARD : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la section de recherche à l'Institut Curie
- François SIGAUX : directeur de l'Institut universitaire d'hématologie
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