GENRES LITTÉRAIRES, notion de
Dépasser la notion de genre ?
C'est le cas dans le romantisme, en particulier allemand, qui insiste d'abord sur l'historicité et l'artificialité des genres, lesquels, de réalités immanentes pour les classiques, deviennent des objets d'étude à replacer dans leur contexte historico-culturel. Ainsi, à une approche rhétorique, qui prétendait dégager des invariants, mais aussi établir des normes censées refléter l'ordre naturel des choses, se substitue une esthétique, qui s'attache aux enjeux de la valorisation de telle ou telle forme. Le lyrique, le dramatique, l'épique deviennent des catégories esthétiques très générales, qui n'induisent pas de formes strictement définies, et qui peuvent et doivent coexister dans une même œuvre, comme le réclame Victor Hugo dans la Préface de Cromwell (1827). Au reste, cet appel au mélange des genres n'est ni vraiment nouveau (le baroque en est l'exemple), sinon dans sa théorisation, ni si trangressif qu'il y paraît, si l'on veut bien admettre que le mélange vient confirmer la pureté.
Plus radical peut sembler le mouvement qui, à partir de la seconde moitié du xixe siècle, et tout au long du xxe, prône moins la mixité que le dépassement pur et simple des catégories génériques. D'où, après l'émergence, dans un premier temps, de nouvelles formes hybrides que l'on s'efforce de nommer et de circonscrire (drame bourgeois, poème en prose, roman poétique...), l'effacement progressif de cette taxinomie infinie, au profit de la notion de « texte ». Le point culminant de cette tendance sera atteint avec le surréalisme, qui ira jusqu'à privilégier l'action (la vie) à une quelconque forme littéraire. Encore faut-il noter que ce projet d'« œuvre totale » (Mallarmé), si déconnecté soit-il en principe des genres au sens strict, privilégie la poésie lyrique au détriment du roman, voire du théâtre. Malgré les attaques dont elle fait l'objet, la triade est donc d'une résistance étonnante.
Deux questions, au moins, restent cependant posées. D'abord, celle du rapport entre la tripartition canonique et les genres (ou sous-genres, ou espèces) concrets qui s'y rapportent. Assez simples à l'origine (dramatique = tragédie et comédie ; narratif = épopée et parodie), les choses se sont naturellement compliquées à mesure que les formes se multipliaient, jusqu'à aboutir à des classifications extrêmement complexes. Comme on l'a vu, il paraît difficile d'établir des critères communs, et peut-être vaut-il mieux renoncer que de risquer l'incohérence. De plus, certaines formes nouvelles sont apparues, tandis que d'autres sont devenues obsolètes. Ainsi, si nous voyons bien encore aujourd'hui à quoi correspond le dramatique (le théâtre) et le lyrique (à quoi nous avons fini par assimiler plus ou moins toute la poésie, à mesure que disparaissaient ses formes narratives et didactiques), l'épique a de quoi nous laisser perplexes, l'épopée n'ayant plus guère d'existence aujourd'hui. Or, dans la quadripartition aristotélicienne (dramatique haut, dramatique bas, narratif haut, narratif bas), il n'était presque rien dit du dernier terme (la parodie). Cette case demeurée vide semble faite pour accueillir le roman, qui n'est autre qu'une représentation d'actions de personnages inférieurs en mode narratif. Ainsi, aujourd'hui, le terme « épique » désigne-t-il pour nous essentiellement le mode de représentation narratif, incluant donc le roman, et ces autres formes de fiction narrative que sont le conte et la nouvelle.
La deuxième question est de savoir s'il est possible d'échapper à la tripartition lyrique-épique-dramatique. Certaines approches, venant des sciences du langage, ont pu proposer de nouvelles distinctions : fictif[...]
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
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