GENRES LITTÉRAIRES
Constantes anthropologiques
Les parentés génériques qui reposent sur des conventions constituantes, régulatrices ou traditionnelles, s'expliquent toutes par des liens de motivation consciente qui lient un auteur donné à une tradition générique spécifique ou à des présupposés pragmatiques particuliers. Dans les trois cas, les parentés entre œuvres sont donc causalement motivées par des identités ou des ressemblances dans les choix auctoriaux. Un certain nombre de noms de genres se réfèrent cependant à des classes de textes causalement indéterminées, c'est-à-dire fondées sur de simples ressemblances formelles ou thématiques entre textes. C'est le cas des formes simples étudiées par André Jolles : légende, geste, mythe, devinette, locution, cas, conte, mémorables et trait d'esprit. La même chose vaut pour les types ou modes du tragique, du comique, du satirique, etc. Il est difficile de refuser une réalité aux classes de ressemblance textuelle ainsi isolées : quoi de génériquement plus massif que le mythe, le conte ou le trait d'esprit, quoi de plus indisputable que l'existence de modes, tels le tragique ou le comique ? On trouve ces formes simples et ces modes dans les sociétés et sous les formes les plus diverses : ainsi, selon Jolles, la légende possède des formes actualisées aussi diverses que l'ode triomphale de l'Antiquité, la vie de saint médiévale et la chronique sportive moderne. On ne saurait donc expliquer les phénomènes concernés uniquement en termes de causalité historique : par exemple, les parentés entre le conte occidental et certaines traditions de contes extra-européens, qui concernent essentiellement la structure de l'action, ne relèvent d'aucun lien historique. Des tentatives d'explication existent : André Jolles voit dans les différentes formes simples autant de reflets de dispositions mentales universelles ; Northrop Frye, quant à lui, ramène les ressemblances thématiques non historiquement motivées à des archétypes psychologiques ; quant aux schémas d'action, on pourrait peut-être les référer à une logique universelle de l'action. Mais l'explication satisfaisante de ces phénomènes dépendra sans doute autant des progrès de l'anthropologie et des sciences cognitives que des recherches proprement littéraires. En ce sens, leur statut se rapproche de celui des facteurs pragmatiques ou intentionnels qui eux aussi sont irréductibles à des phénomènes purement littéraires.
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Écrit par
- Jean-Marie SCHAEFFER : chargé de recherche au C.N.R.S.
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