GÉOCENTRISME
On désigne par géocentrisme le système cosmologique hérité du monde grec – et qui dominera jusqu'à Copernic, au xvie siècle – où la Terre non seulement est au centre du monde, mais s'y tient rigoureusement immobile. Mais de quel cosmos s'agit-il ? Le cosmos antique est peu peuplé : on y trouve la Terre, les deux luminaires (c'est-à-dire la Lune et le Soleil), les cinq planètes visibles à l'œil nu (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) et, accrochées à une sphère ultime, donc toutes à la même distance du centre du monde, les quelque cinq mille étoiles discernables par une très belle nuit dans l'hémisphère Nord. Et c'est un cosmos de dimensions modestes : chez Ptolémée (iie siècle apr. J.-C.), le rayon de la sphère des étoiles fixes, qui clôt le monde, est de 20 000 rayons terrestres. Pour obtenir les distances absolues, il faut donc déterminer la valeur du rayon de la Terre. Sa première évaluation connue – 400 000 stades grecs – a été donnée par Aristote (385 env.-322 av. J.-C.) ; Archimède (287-212 av. J.-C.) a abouti à 300 000 stades grecs. Au temps de Ptolémée, on adopte la détermination qu' Ératosthène de Cyrène fit vers 230 avant notre ère, soit 252 000 stades égyptiens pour la circonférence de la Terre, donc environ 40 130 pour son rayon, soit un univers dont le rayon est de près de 803 millions de stades égyptiens. Cette dernière unité de mesure, plus petite que le stade grec, valant à peu près 150 mètres, le rayon de l'univers géocentrique de Ptolémée valait environ 120 millions de nos kilomètres (rappelons que le Soleil est à 150 millions de kilomètres de la Terre, et que l'étoile la plus proche du Soleil en est éloignée de 40 000 milliards de kilomètres).
Sauver les apparences
Tous les systèmes cosmologiques de l'Antiquité sont géocentriques, à l'exception de celui d'Aristarque de Samos (vers 280 avant notre ère), qui est strictement le même que celui que Copernic proposera au xvie siècle, mais qui n'aura aucune pérennité. Toutefois, l'ordre des planètes varie d'un système à l'autre : dans le système platonicien, autour de la Terre tournent l'orbe de la Lune, puis ceux du Soleil, de Mercure, de Vénus, de Mars, de Jupiter et de Saturne.
Si l'on croit Simplicius (fin ve-début vie siècle), c'est à Platon (428 env.-347 env. av. J.-C.), désireux d'imposer aux mouvements des corps célestes d'être circulaires, uniformes et constamment réguliers (entendez par là qu'ils ne peuvent changer de sens), que l'on doit la formulation du problème astronomique. Dans son Commentaire à la « Physique » d'Aristote, Simplicius écrit : « Platon [...] pose alors ce problème aux mathématiciens : Quels sont les mouvements circulaires uniformes et parfaitement réguliers qu'il convient de prendre pour hypothèses, afin que l'on puisse sauver les apparences que les astres errants présentent ? »
Le but de l'astronomie est clairement défini ; une tradition veut qu'il ait suscité en premier les efforts d'Eudoxe de Cnide (400 env.-355 av. J.-C.). En tout cas sauver les apparences dut être le seul objectif en vue duquel Eudoxe a agencé ses sphères tournantes et homocentriques, et si son disciple Callippe de Cyzique a modifié le système, c'est parce que les hypothèses de son prédécesseur ne s'accordaient pas avec certains phénomènes observés et qu'il a voulu que ceux-ci fussent à leur tour sauvés. Quoi qu'il en soit, ces solutions imposeront un géocentrisme qu'Aristote reprendra et renforcera.
Sauver les phénomènes ? Sauver les apparences ? Encore faudrait-il bien comprendre quelle ultime exigence voile la formule de Platon et quelle exigence plus physique ajoutera Aristote. Il semble que, pour Platon, lorsque[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre VERDET : astronome à l'Observatoire de Paris
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