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GÉOCENTRISME

Le changement implique la matière

Puis il dégagera les principes –  la forme et la matière – dont dépendent l'existence en acte et l'existence en puissance.

La forme sera le principe d'organisation, de stabilité, mais aussi d'évolution. Un être existe en acte par une forme actuelle et par celles de ses propriétés effectivement réalisées à un moment donné ; il existe en puissance par une forme possible et par ses déterminations potentielles.

Mais, puisque la forme est générale alors que les êtres n'existent qu'individuellement, elle ne saurait suffire à fonder l'existence. Il faut lui adjoindre un second principe, la matière. La matière sera le réceptacle indéterminé d'où procèdent les êtres concrets déterminés. Elle sera le sujet premier de chaque être, mais le sujet sans essence. Elle est, comme dit Aristote par la célèbre métaphore de l'airain et de la statue, l'informe par rapport à ce qui a forme : « En effet, le rapport de l'airain et de la statue, ou du bois au lit, ou en général de la matière et de l'informe à ce qui a forme, antérieurement à la réception et à la possession de la forme. Tel est le rapport de la matière à la substance, à l'individu particulier, à l'être. » (Physique, livre I, chap. vii).

Ainsi être et changement ne sont pas incompatibles mais, bien au contraire ontologiquement liés.

Sur ces bases, Aristote développe une théorie du changement et, en particulier, du mouvement, puisque celui-ci ne sera que le changement selon le lieu : la translation. Le mouvement sera donc traité comme est traité le changement selon la qualité – l'altération –, selon la quantité – l'augmentation et la diminution. Changements affectant tous la substance et au-dessus desquels Aristote place le changement selon la substance – la génération et la corruption –, reprenant ainsi la table des catégories et renforçant encore l'interdépendance entre le changement et l'ontologie.

Cet ensemble imposant et cohérent sort la physique de l'impasse où les sophistes l'avaient engagée. Il en émerge une théorie du mouvement qui est le lien privilégié entre la cosmologie et la physique. Mais cette cohérence générale et le statut attribué au mouvement se paient d'une conception très étroite de celui-ci.

À la théorie du mouvement se trouve intimement associée la structure d'ordre du cosmos : les lignes géométriques « simples » (la droite et le cercle), les éléments (terre, eau, air, feu et éther), enfin le léger et le grave, dont Aristote fait des qualités absolues de la matière, seront intimement liés. À chaque élément correspondra un mouvement naturel ; lui en imposer un autre sera lui faire violence ; l'expédier dans un lieu qui n'est pas le sien sera lui infliger une privation qu'il comblera l'occasion venue.

Les conséquences pour la science du mouvement elle-même en seront graves. Le mouvement, comme toutes autres catégories du changement, ne sera qu'un processus fini, éphémère, dont la fonction se bornera à assurer la translation d'un point A à un point B. Il ne peut être relatif qu'à des sujets concrets et ne saurait être étudié pour lui-même. Il serait vain, et même dangereux, de lui prêter des attributs, le risque étant de lui voir perdre sa fonction ontologique et donc de retomber dans les errements des Éléates. Aristote précise, par exemple, que parler d'un mouvement de mouvement est dénué de sens. On comprend les difficultés que les physiciens aristotéliciens auront à traiter correctement le mouvement uniformément accéléré, faute de pouvoir le considérer comme un mouvement de mouvement. Mais les conséquences seront également graves pour l'astronomie. Il en résultera une série d'axiomes qui verrouilleront longtemps cette discipline.[...]

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