CHAUCER GEOFFREY (1340 env.-env. 1400)
L'importance des « Canterbury Tales »
La critique chaucérienne ne remonte guère au-delà de la seconde moitié du xixe siècle, où se manifeste l'influence d'érudits comme F. J. Furnivall (qui fonde la Chaucer Society en 1868) et W. W. Skeat qui édite les œuvres de l'écrivain à partir de 1894. Auparavant, l'édition de Tyrwhitt (Canterbury Tales, 1775-1778) avait aidé à établir le canon chaucérien.
Les imitateurs du poète, qui furent nombreux aux xve et xvie siècles, appréciaient surtout le côté moralisateur de son œuvre, l'éloquence du rhéteur, sans doute aussi un certain sens du pastoralisme. Mais, de toute évidence, c'est au Troilus et surtout aux Contes que va la préférence des critiques d'aujourd'hui.
Choisissant le thème médiéval du pèlerinage (voir le Prologue), Chaucer se montre dans ses Contes observateur attentif des mœurs de son temps et l'on a pu, à la suite de Manly et de Muriel Bowden, y découvrir des modèles contemporains. Ses descriptions ont certes des limites qui tiennent en partie au sujet traité et à l'époque ; mais la variété des types sociaux et professionnels est ce qui frappe le plus : chevaliers, écuyer, artisans, marchands, gens d'Église... Ces personnages se rencontrent au Tabard, auberge accueillante sur la route de Cantorbéry, et y projettent de chevaucher jusqu'au tombeau de Thomas Becket en se contant des histoires.
La satire, oblique ou directe, n'épargne pas les gens d'Église, ce qui a valu à Chaucer d'être accusé de sympathie à l'endroit des lollards et de Wyclif. L'humour narquois, l'ambiguïté des propos, les sous-entendus malicieux, la verve goguenarde, les dons du conteur ne manquent pas d'alimenter la critique depuis plus d'un siècle. Le réalisme du poète, qui a fait l'objet d'une copieuse littérature, ne saurait se comparer au réalisme moderne : il est avant tout médiéval ; l'accumulation des détails (vêtements, couleurs, etc.), la sélection de traits particularisants restent conformes aux schémas typiques propres au Moyen Âge.
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Écrit par
- Paul BACQUET : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-Sorbonne
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Média
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